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 Rapport

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 
Sénateur du var.

Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de
finances pour 2015, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I

 Rapport de M. Pierre-Yves COLLOMBAT, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.


  

 RÉFLEXIONS

SITE EN COURS DE MAINTENANCE ET DE MISE A JOUR.


  

 Interventions en 2014
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  PROPOSITION DE LOI PORTANT REFORME A LA  COMPARUTION SUR RECONNAISSANCE PREALABLE DE CULPABILITE.


 

Présentation de la PPL de Jacques Mézard

La comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, créée en 2004 et révisée à plusieurs reprises, fait partie de l’arsenal des procédures accélérées destinées à désengorger les juridictions, ce qui ne plaidait pas pour son innocence présumée…

Je dois avouer que, devant rapporter la présente proposition de loi, j’ai connu quelques états d’âme, tant les griefs que je tenais souvent des principes et de la théorie ont été mis à mal par les auditions et ce que m’en ont dit les praticiens, lesquels se sont avérés bien plus attachés à cette procédure – même lorsqu’ils l’avaient critiquée en 2004 – que je ne me l’étais figuré.

La CRPC a été, dès le départ et au fil de ses diverses révisions – ce qui tendait d’ailleurs à prouver qu’elle peinait à trouver son équilibre –, fortement critiquée par nombre de magistrats, d’avocats, de parlementaires – j’en fus –, parce qu’elle heurtait frontalement notre conception du procès équitable. Elle apparaissait comme une pièce rapportée, un produit d’importation, dans l’Hexagone, de la common law anglo-saxonne ou, pis, du plea bargaining états-unien, qui fait dresser les cheveux sur nos têtes.

En France, on ne plaide pas coupable, tout au plus se reconnaît-on coupable. La négociation sur la culpabilité et sur la peine s’opposait au primat que nous accordons à la présomption d’innocence et à la sanction en tant que fonction régalienne.

Aux États-Unis, en revanche, le juge, même au pénal, n’est qu’une sorte d’arbitre tout au long du procès, lequel donne lieu à un marchandage, y compris de la part du ministère public. La fonction du juge consiste d’abord à constater l’accord ou le désaccord entre les parties et le ministère public : ceux-ci doivent s’entendre sur la peine, laquelle est calculée selon une grille des plus strictes et sans aucun souci d’individualisation en fonction de la personnalité du prévenu. Parallèlement, les procès débouchent sur des peines très lourdes, ce qui constitue une forte incitation au plaider-coupable. Il n’est donc pas étonnant que 95 % des procès pénaux suivent cette procédure, qui présente, en outre, l’avantage d’éviter l’aléa de jurys populaires rarement tendres.

Ce système, dont s’inspire la CRPC, est donc apparu très différent, sinon contraire aux principes de notre procès pénal.

S’inscrivant dans cette approche, la proposition de loi que j’ai l’honneur de rapporter a logiquement pour objet de restreindre de manière très importante l’utilisation de la CRPC et de la rapprocher le plus possible du procès ordinaire. Toutefois, comme je l’ai dit, les auditions m’ont fait découvrir, à ma grande surprise, que les praticiens de la justice étaient en fait aujourd’hui largement favorables à cette procédure, y compris certains de ceux qui étaient « vent debout » contre elle à ses débuts. Pourquoi cela ?

La principale raison de cette évolution, me semble-t-il, est d’ordre pratique : la CRPC a été cantonnée, de fait, à un champ d’application bien circonscrit, celui de délits mineurs, simples à qualifier et où ce sont les faits qui désignent le coupable. Il s’agit donc d’un contentieux de masse sans problème de culpabilité – l’exemple typique étant l’alcool au volant. Au final, la CRPC représente 13 % du contentieux pénal et porte uniquement sur des affaires simples. Sur ce champ bien déterminé, la pratique de la CRPC apparaît conforme à notre conception du procès équitable.

Prenant acte de ce constat, et faute d’un dispositif pouvant se substituer à la CRPC, en accord avec l’auteur de la proposition de loi et avec notre commission des lois qui l’a adoptée, je vous présente ce texte qui, tout en respectant la logique de la CRPC et les équilibres entre ses protagonistes, apporte des réponses aux principales critiques qui lui sont encore adressées, les plus essentielles, comme je l’ai dit, ayant sinon disparu, du moins s’étant considérablement atténuées de fait.

Le premier aménagement vise à supprimer de la procédure toute trace qui pourrait subsister d’une « pression » exercée sur le prévenu pour qu’il accepte la CRPC, afin de garantir son consentement libre et éclairé.

Ainsi, l’article 1er bis nouveau exclut la mise en œuvre de la CRPC à l’issue d’un déferrement par les services enquêteurs, parfois accompagné de garde à vue, dans des affaires qui auraient pu faire l’objet d’une comparution immédiate ou d’une convocation par procès-verbal. En effet, cette situation ne laisse guère de liberté du choix de la procédure à l’intéressé. Constatons d’ailleurs que beaucoup de tribunaux ont déjà fait le choix de ne pas utiliser la CRPC dans cette situation.

L’article 4 va dans le même sens et supprime la possibilité, pour le procureur, de mettre en œuvre à la fois une procédure classique de convocation devant le tribunal correctionnel et une procédure de CRPC.

Actuellement, le prévenu reçoit en effet deux convocations en même temps : l’une pour rencontrer le procureur en vue d’une CRPC, l’autre pour passer devant le tribunal en audience correctionnelle ordinaire. Nous proposons que cette convocation devienne caduque uniquement s’il ne se rend pas à l’entretien avec le procureur de la République.

La solution que j’ai proposée préserve la validité de la convocation parce qu’un nombre non négligeable de prévenus est difficile à joindre ; renouveler systématiquement la convocation à l’audience aurait posé d’énormes problèmes. La commission a donc tranché dans ce sens : si le prévenu, qui s’est rendu à la convocation, n’accepte pas la CRPC, ou si le juge n’homologue pas cette dernière – le prévenu n’est pas responsable –, il faudra lui adresser une nouvelle convocation à l’audience correctionnelle. En revanche, si le prévenu ne s’est pas présenté devant le procureur, la convocation à l’audience reste valide.

Enfin, pour mieux prendre en compte la victime, je vous proposerai, avec l’article 3 bis nouveau, qu’elle puisse faire parvenir ses observations au procureur dans la première phase de la procédure, c’est-à-dire avant que celui-ci ne propose une peine au prévenu. Il paraît essentiel que le procureur ait en main toutes les données nécessaires lui permettant de déterminer le quantum de peine proposé. Or il me semble effectivement que la victime peut porter à la connaissance du procureur des éléments d’appréciation utiles, au-delà de ceux de l’enquête de police, parfois extrêmement sommaire. Ces éléments pourront intervenir dans la détermination du quantum de peine et des aménagements éventuellement apportés à celle-ci.

Telles sont, monsieur le ministre, mes chers collègues, les principales dispositions proposées par la commission des lois, dont j’ai repris les conclusions, étant sous-entendu que, me situant dans une perspective d’amélioration de la CRPC, ont été supprimées toutes les propositions qui auraient conduit, de fait, à un quasi-abandon de son usage.

 

Je remercie tous nos collègues qui sont intervenus dans ce débat. Je ne le cache pas, m’entendre dire que je suis « modéré » me remplit de joie… 

Sur le fond, je me contenterai de formuler deux remarques susceptibles d’ouvrir des champs de réflexion pour l’avenir.

Premièrement – je serai bref sur ce point, qui a déjà été amplement abordé –, il est vrai que l’échelle des peines ne permet plus vraiment de s’y retrouver. C’est pourquoi, même si l’intention était bonne, nous avons renoncé à limiter l’usage de la CRPC au moyen du quantum de peine, ce qui n’aurait abouti à rien.

À n’en pas douter, si la CRPC a réussi, c’est parce que son usage a été cantonné à certaines catégories de délits. Notre système s’est autorégulé, ce qui est plutôt un signe de bonne santé. Il a su faire le meilleur usage possible d’une procédure atypique, qui ne s’inscrivait pas dans sa logique profonde.

Deuxièmement, la judiciarisation de la vie sociale fait que nous sommes confrontés aujourd’hui à deux types de délits au moins : d’une part, les délits ou les crimes classiques, qui portent atteinte à ce que les chinois appellent « l’ordre du ciel », et pour lesquels les questions de culpabilité et d’intention restent décisives ; d’autre part, un ensemble de délits pour lesquels la culpabilité ne fait pas débat, notamment lorsqu’ils reposent sur un fait matériel incontestable – par exemple, si vous êtes contrôlé avec deux grammes d’alcool dans le sang, vos aveux ou vos dénégations ne changeront strictement rien à l’affaire.

N’oublions pas en effet que l’appareil judiciaire joue de plus en plus un rôle de régulateur de la vie sociale, et qu’il devient ainsi un service annexe du ministère des affaires sociales.

Ces disparités expliquent que l’on puisse à la fois vouloir continuer à utiliser la CRPC dans certains cas et penser que son extension à d’autres domaines serait une calamité. Toutefois, la frontière restant assez floue, il me semblerait utile de poursuivre la réflexion sur ce point.

Avis sur un amendement du gouvernement visant à faire fixer dès la convocation la peine proposée au prévenu.

Monsieur le ministre, j’en suis mortifié, mais je ne peux pas émettre un avis favorable sur cet amendement.

L’argument que vous venez d’exposer vaut pour toutes les procédures, quelles qu’elles soient : la peine mentionnée dans le code pénal est toujours supérieure à celle que risque réellement le prévenu. Par conséquent, pourquoi votre critique se limite-t-elle à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité ?

Je voudrais vous expliquer la logique de notre raisonnement, qui ne repose pas sur des a priori. Qu'on le veuille ou non, la cheville ouvrière du dispositif, c’est le procureur. Cela peut ne pas plaire, mais c’est comme ça. Nous voulons mettre le procureur dans une situation lui permettant de proposer la peine la plus adaptée et de l’individualiser le plus possible.

Cela suppose qu’il ait entendu la victime au préalable : la victime ne doit pas apparaître à la fin de la procédure.

Si nous souhaitons que la victime puisse présenter ses observations d’emblée, ce n’est pas simplement pour lui faire du bien. C’est également pour donner au procureur des informations qu’il n’a peut-être pas, par exemple sur la manière dont les faits ont été commis ou – cela compte en cas de harcèlement, par exemple – sur la nature des relations entre la victime et le prévenu. Ces informations peuvent être très importantes.

Votre proposition part d’une bonne intention, mais nous craignons que le procureur ne s’engage sur une peine avant d’avoir vu le prévenu. Or il faut qu’il dispose de tous les éléments : il doit savoir à quoi ressemble le prévenu, comment il réagit, quel est son type de personnalité, etc. À défaut, on pourra légitimement reprocher à la procédure de comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité de s’apparenter à un marchandage : le prévenu se dira qu’il a gagné tant d’années par rapport à ce qui était prévu.

Dans cette procédure, tout tourne autour du procureur : le magistrat se contente de baliser, de s’assurer que la décision n’est pas contraire au droit. C'est la raison pour laquelle, dans un premier temps, j’étais plutôt favorable à la possibilité pour le magistrat de réduire la peine. Cependant, mes collègues m’ont convaincu que ce n’était pas une bonne idée. Il faut laisser le procureur assumer la responsabilité de ce qu’il a proposé, dans les limites de la loi, bien entendu ; c'est ici qu’intervient le magistrat.

Nous avons eu un long débat sur votre proposition, monsieur le ministre, et mes collègues m’ont convaincu. À nos yeux, il serait contre-productif que le procureur soit obligé de s’engager – par écrit, qui plus est – sans avoir tous les éléments d’information. Or la rencontre avec le prévenu constitue l’un des principaux éléments d’information.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

Le texte a été adopté à l’unanimité.


PLU : le Sénat sauve la mise | Page 18 sur 20 | PPL visant à faciliter l’exercice par les élus loc

  

 PUBLICATIONS

La lettre du Sénateur N° 45 Octobre Novembre Décembre 2015 

LA CRISE GRECQUE ET LE THEÂTRE PARLEMENTAIRE

POURQUOI L’ACCORD DE BRUXELLES EST UNE TROMPERIE

RETOUR SUR LA LOI MACRON (7/17 avril, 4/12 mai 2015)

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