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 Rapport

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 
Sénateur du var.

Avis présenté  au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Sénateur du var.

Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de
finances pour 2015, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I

 Rapport de M. Pierre-Yves COLLOMBAT, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.


  

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 Interventions en 2015
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PPL SUPPRIMANT LES ETUDES D’IMPACT


Pour être clair, cette Proposition de loi du RDSE est une forme de dénonciation de la désinvolture avec laquelle le Gouvernement et le Conseil constitutionnel traitent le Parlement et accessoirement la constitution que le second est censé faire respecter.

En l’espèce, depuis la révision constitutionnelle de juillet 2008, le Gouvernement a l’obligation de déposer, en même temps que ses projets de loi, une étude d’impact dont la loi organique d’avril 2009 a arrêté la forme.

Si ces études d’impact ont rarement été fouillées, celle annexée au projet de redécoupage des régions a battu un tel record de « je m’en foutisme » que le Sénat a saisi le conseil constitutionnel…lequel a conclu (01/07/2014) : « circulez, il n’y a rien à voir. »

Cette proposition de loi que j’ai présentée au nom du RDSE tire la conséquence de cet avis du CC : Puisque les études d’impact sont bidon, que ceux qui sont censés faire appliquer la constitution s’en moquent, autant les supprimer ! C’est le sens de la réponse aux objections qu’on lira plus loin.

Une proposition urticante qui n’a évidemment pas été adoptée par le Sénat, majorité et opposition réunies. Dire que le roi est nu est une provocation

Présentation de la proposition de loi (DG)

Avant de rentrer dans le vif du sujet, je voudrais préciser de quoi on parle, l’article unique auquel se résume la proposition de loi du groupe RDSE que j’ai l’honneur de présenter – « Les huitième à dixième alinéas de l'article 8 de la loi organique n° 2009-403 du 15 avril 2009 relative à l'application des articles 34-1, 39 et 44 de la Constitution sont supprimés. »- demandant, m’a-t-il semblé quelques explications.

L’article 39 al 3 de la constitution, issu de la réforme du 23 juillet 2008, prévoit que « La présentation des projets de loi déposés devant l’AN ou le Sénat répond aux conditions fixées par une loi organique.», En l’espèce de la loi organique du 15 avril 2009.

L’article 8 de celle-ci prévoit que « les projets de loi font l’objet d’une étude d’impact » dont les alinéas 2 à 11 définissent le contenu qui doit être exposés « avec précision » selon l’alinéa 3.

De quoi conclure qu’une étude d’impact ne saurait être un recueil de généralités et de banalités rassemblées à la hâte et que la PPL conservant l’obligation d’informer le Parlement de l’impact juridique des projets supprime celles prévues aux alinéas 8, 9 et 10, soit :

-l’évaluation des conséquences économiques, financières, sociales et environnementales, ainsi que des coûts et bénéfices financiers attendus des dispositions envisagées pour chaque catégorie d’administration publiques et de personnes physiques et morales intéressées, en indiquant la méthode de calcul retenue ;

-l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public.

Est en outre conservée la communication des « consultations qui ont été menées avant la saisine du Conseil d’Etat »

Pour en terminer, côté procédural, je rappellerai que l’article 39 al 4 de la constitution prévoit qu’un projet de loi ne peut être inscrit à l’ordre du jour du Parlement si « la conférence des présidents de la première assemblée saisie constate que les règles fixées par la loi organique sont méconnues. En cas de désaccord entre la conférence des présidents et le Gouvernement, le président de l’assemblée intéressée ou le premier ministre peut saisir le CC qui statue dans un délais de huit jours »

Après ce préliminaire, les motivations de cette PPL et ses enjeux

Si j’étais un disciple du Père Malebranche, je dirais que:

-1- La cause occasionnelle de cette proposition de loi  c’est la décision du CC du 1er juillet 2014 validant, sur saisine du Premier ministre, l’étude d’impact annexée au projet de loi « relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral ».  Cette saisine suivait le refus de la Conférence des présidents du Sénat, d’inscrire à l’ordre du jour le dit projet de loi au motif de l’insuffisance de son l’étude d’impact, au regard de la loi organique du 15 avril 2009 rappelés plus haut.

-2- Sa cause efficiente, son moteur, suite à cette décision particulièrement désinvolte du CC, c’est le constat – relevé par notre rapporteur- de l’échec définitif, de la réforme constitutionnelle du 23 juillet 2008 à imposer au Gouvernement des études d’impact dignes de ce nom. « On peut conclure de ce bilan d’étape de sept ans d’application de ce dispositif d’évaluation, note notre rapporteur, que ses effets sont loin d’être concluants. D’une part, il n’a nullement remédié à la crise de production législative, tant sur le plan de la qualité des textes qui continue de se dégrader, que sur celui de leur inflation. D’autre part, la désinvolture fréquente avec laquelle les études d’impact de nombreux projets de loi sont élaborées et leur contrôle par le CC effectué rend perplexe sur la nécessité de maintenir en l’état le dispositif. »

Question étude d’impact bidon on peut difficilement faire mieux que celle du PJL « relatif à la délimitation des régions »

Une étude d’impact ne saurait être un recueil de généralités et de banalités rassemblées à la hâte, disais-je plus haut.

Sauf que le CC a validé toutes les arguties du Gouvernement permettant de passer outre : ainsi utiliser les données de l’INSEE, de la CNAF ou de la DGCL vaut exposé des méthodes de calcul, additionner la population, le PIB, les budgets des anciennes régions composant une région nouvelle, diviser le résultat par la population pour obtenir des ratios par habitant, sont des « éléments de nature à éclairer le Parlement » sur les effets démographiques, en matière de richesse ou de gestion administrative, de la réforme.

Sauf que le CC va jusqu’à tenir pour non significative l’inobservation de l’alinéa 9 de la loi organique, en l’espèce « l’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public » au motif que le « Gouvernement ne mentionne pas la modification de ce nombre dans les objectifs poursuivis par (le) projet de loi » !

L’avenir est aux projets de loi dont l’exposé des motifs se résumerait à cette phrase : « Le but de la loi est de réformer »

C’est à ces détails qu’on mesure le mieux le mépris dans lequel la Haute bureaucratie tient députés et sénateurs.  

Selon l’exposé des motifs, L’objectif du PJL est, entre-autre « d’améliorer la gouvernance territoriale ainsi que l’efficacité et l’efficience des politiques publiques mises en œuvre dans les territoires » par un redécoupage des régions pour donner « à ces dernières une taille critique sur le plan géographique, démographique et économique ».

Or l’étude d’impact évite soigneusement de poser la question de la pertinence de cette notion de taille critique en matière d’économie, de développement, de gouvernance. Même en Allemagne à laquelle on entend comparer la France, les Lander sont très hétérogènes.

Ainsi la Bavière, le plus grand est 21 fois plus peuplé que le land de Brême le plus petit dont le PIB est 16,5 fois inférieur à celui de la Bavière.

S’il y a succès économique allemand, il ne doit rien à une quelconque « taille critique » des collectivités territoriales du pays.

On ne trouve, évidemment dans l’étude d’impact, aucune tentative d’élucidation du lien qu’il pourrait y avoir entre le rattachement du Cantal à la Région Rhône Alpes, ou celui de la Somme à la région Champagne-Ardenne plutôt que Nord-Pas de Calais d’abord envisagé et la dynamisation de leurs territoires respectifs.

Evoquant le regroupement du Languedoc Roussillon et du Midi Pyrénées, l’EI se borne à noter que la nouvelle région « deviendrait un lieu de convergence d’axes économiques importants, à la confluence des grands courants d’échanges. Elle disposerait d’atouts géostratégiques indéniables et d’infrastructures adaptées et qui confèrent à la fonction logistique et au transport un potentiel de développement fort (plateformes multimodales, réseau ferroviaire de niveau européen avec ligne fret dédié, réseau routier et autoroutier dense, plateformes portuaires et aéroportuaires...). Par ailleurs, cette fusion ne ferait que renforcer les coopérations d’ores et déjà existantes entre les deux régions » Un beau collier de banalités validé par le CC que ne rehausse aucun chiffrage des effets économiques et financier à attendre de la loi, région par région et globalement..

Pourquoi ne pas réunir la région Franche-Comté avec l’Alsace et la Lorraine, ce qui aurait pour avantage de mettre en valeur l’axe Rhin-Rhône et une cohérence historique ancienne ?

Pourquoi le « Poichenli » regroupement des actuelles régions Poitou-Charentes, Limousin et Centre plutôt qu’un rapprochement Poitou-Charentes/ Pays de la Loire ou un regroupement entre Poitou-Charentes, Aquitaine et Limousin, qui avait les faveurs de la commission spéciale du Sénat. Pourquoi un grand Rhône-Alpes/Auvergne et un petit Pays de Loire oublié par une aussi scientifique réforme ? Pourquoi ? Pourquoi ?

Ceux qui à l’époque on suivi les allers-retours entre l’Elysée et Matignon et l’évolution des cartes ont bien quelque idée là-dessus, mais pas de trace dans l’étude d’impact.

Selon l’étude d’impact, il s’agit, en outre, d’appuyer le redressement financier et économique du pays « sur une réforme structurelle renforçant l’efficacité de l’action des collectivités territoriales » A part l’invocation des « économies d’échelles » aussi célèbres que l’Arlésienne, l’EI ne nous en dira pas plus.

Economies d’échelle, réforme structurelle dont on attend toujours le chiffrage.

On comprend le silence des rédacteurs de l’EI, les chiffres les plus divers circulant. Réformes de l’organisation territoriale et communale confondues, dans le discours gouvernemental, les économies attendues, varient de 12 milliards d’euros à 25 milliards d’euros. L’OCDE, elle, dit qu’au stade actuel du processus on n’en sait rien et la Commission européenne qu’à moyen terme il ne faut pas s’attendre à des gains d’efficacité. A court terme, « il existe (même) un risque que les coûts administratifs augmentent à court terme, du fait de la mise en œuvre des réformes. » (Rapport 2015 sur la France 26/02/2015)

Mais, me dira-t-on n’y a-t-il pas quelque inconséquence à demander la suppression de l’obligation d’éclairer le Parlement sur les conséquences les plus  importantes des projets de loi  au motif de l’insuffisance des études d’impact actuelles ? Ne faudrait-t-il pas, au contraire, exiger plus du Gouvernement, préciser mieux ses obligations ?

S’il y avait un juge pour faire respecter, aussi bien les obligations actuelles que les nouvelles, très certainement. Comme ce n’est pas le cas mieux vaut appeler un chat un chat et dire clairement que les études d’impacts ne sont pas des « études », encore moins des études  « d’impact » mais un simple emballage rhétorique des projets de loi. Dire clairement  que si l’on entend vraiment donner au Parlement les moyens de légiférer et de contrôler en toute connaissance de cause, il faut trouver autre chose, par exemple des moyens propres comme c’est le cas dans d’autres démocraties, où le parlementarisme n’a pas été « rationalisé ».

Maintenir la fiction actuelle, c’est interdire toute réforme, sérieuse celle-là, de notre démocratie. Ce qui m’amène à mon 3ème point.

-3- La cause finale, l’objectif de cette proposition de loi, c’est la volonté d’en finir, non seulement avec une de ces lois inutiles qui, selon le mot bien connu de Montesquieu affaiblissent les lois nécessaires, mais d’abord avec les trompe-l’œil démocratiques, les dispositifs décoratifs qui années après année ont été accroché aux voutes de  la Constitution pour éviter d’affronter les blocages bien réels d’une Vème République vieillissante.

Ce pourrait-être la suite de cette PPL, une fois qu’elle aura été adoptée !

Réponse aux objections.

On nous dit – tout du moins ceux qui sont de bonne foi – que notre diagnostic est bon, mais que nos remèdes sont mauvais. Dès lors, je pose la question : quel autre choix s’offre à nous ? Faire une loi constitutionnelle, me dit JP. Sueur. Mais qui contrôlera cette loi, sinon le Conseil constitutionnel ? Cela ne changera donc rien ! L’évaluation des conséquences des dispositions envisagées sur l’emploi public, par exemple, est une obligation – que le Gouvernement l’ait inscrite dans le texte concerné ou non !

Vous pourrez avoir la loi constitutionnelle la plus complète possible, avec de nombreuses dispositions concernant l’environnement, la Lune et le Soleil, si le Conseil constitutionnel décide de s’asseoir dessus, si je puis me permettre cette expression, il ne se passera rien du tout !

Par ailleurs – je suis d’accord avec Jean-Pierre Sueur sur ce point –, la vérité ne tombera pas du ciel, mais surgira d’un débat informé. S’il est une solution, c’est de donner au Parlement les moyens d’obtenir ces informations.

Toutefois, pour arriver éventuellement, à l’avenir, à la mise en place d’un tel mécanisme, il faut déjà commencer par faire le vide, par nettoyer la place et par reconnaître que le dispositif actuel n’est pas bon, qu’il s’agit d’un leurre, d’une illusion. Ce n’est qu’en dissipant d’abord les illusions que l’on pourra peut-être espérer un jour arriver à un système qui fonctionne.

Mais les choses vont continuer leur train, dans la mesure où le Gouvernement peut faire exactement ce qu’il veut, le Conseil constitutionnel – par pragmatisme – soutenant tout ce qu’il fait, dit ou veut !

Tout se passe comme si nous étions encore en 1958, au moment où les institutions étaient menacées. Il s’agissait alors de protéger l’exécutif d’un pouvoir législatif envahissant. Comme le disait Alain Peyrefitte à l’époque, la Constitution a été faite pour gouverner sans majorité.

Aujourd’hui, l’exécutif gouverne avec des majorités « en béton » qui suivent ses directives, quoi qu’il se passe ! Se pose donc le problème inverse de celui auquel était confronté le constituant de 1958. Or les exégèses du Conseil constitutionnel sont encore les mêmes que celles de 1958, ce qui est tout de même un peu fort ! C’est de cela que nous sommes en train de mourir ! Il faudra bien que vous le réalisiez un jour !


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 PUBLICATIONS

La lettre du Sénateur N° 45 Octobre Novembre Décembre 2015 

LA CRISE GRECQUE ET LE THEÂTRE PARLEMENTAIRE

POURQUOI L’ACCORD DE BRUXELLES EST UNE TROMPERIE

RETOUR SUR LA LOI MACRON (7/17 avril, 4/12 mai 2015)

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