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 Rapport

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 
Sénateur du var.

Avis présenté  au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Sénateur du var.

Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de
finances pour 2015, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I

 Rapport de M. Pierre-Yves COLLOMBAT, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.


  

 Exercices de désenfumage
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 CECI N’EST PAS UN STATUT DE L’ELU

 


 

Unanimement réclamé par les élus locaux, évoqué de manière subliminale par le président de la République et tenu pour indispensable par celui du Sénat lors des Etats généraux d’octobre 2012 (note 1), après l’adoption en première lecture par le Sénat de la proposition de loi Gourault-Sueur (01/02/ 2013), de statut de l’élu territorial, toujours point. Prudemment, la haute assemblée s’est bornée à ajouter quelques dispositions « visant à favoriser l’exercice, par les élus locaux, de leur mandat », à une liste, longue mais toujours incomplète.

La montagne des Etats généraux de la démocratie territoriale a donc accouché d’une petite souris, petite souris dont il y a de fortes chances que l’on doive se contenter encore un certain temps, malgré l’engagement clair de ML Lebranchu de demander « à (son) administration de travailler sur l’idée de statut de l’élu et de voir tout ce qui serait nécessaire pour créer un tel statut. » Autrefois on bottait en touche en créant une commission, aujourd’hui on peut s’éviter cette peine. Entre nous, si le gouvernement avait l’intention de franchir le pas, pourquoi le projet d’Acte III de la décentralisation n’en porte-t-il pas trace ?

Certes, la petite souris est  charmante, comme toutes les petites souris, avec sa dizaine de mesures à petit prix pour favoriser l’exercice des mandats locaux (note 2) mais, encore une fois, on est loin d’un statut de l’élu. Tous les amendements qui l’auraient permis ont été repoussés par  le gouvernement, le rapporteur et une coalition largement constituée de sénateurs qui, il y a quelques mois à peine, soutenaient et votaient ce qu’ils refusent aujourd’hui. Argument à l’appui, évidemment. Probablement ce qu’on appelle la « culture de gouvernement ».

_____________________

 Les mesures adoptées par le Sénat.

 

Une dizaine de mesures s’ajouteront donc à la longue liste des dispositions qui, au fil du temps, sans constituer un « Statut de l’élu territorial » proprement dit, encadrent les « conditions d’exercice » des mandats locaux, selon les termes du CGCT.

-       Dans les communes de moins de 3 500 habitants l'indemnité allouée au maire est fixée au taux maximum, sans qu’une délibération du conseil municipal soit nécessaire (Note 3);

-       Interdiction de reverser la part écrêtée des indemnités de fonction. Celle-ci est reversée au budget de la collectivité ou de l'établissement concerné ;

-       Extension aux communes de 1000 habitants des autorisations d’absence pour cause de campagne électorale ;

-        Exclusion de la fraction représentative des frais d'emploi des indemnités de fonction, des revenus pris en compte pour le versement des prestations sociales sous conditions de ressources ;

-       Abaissement aux adjoints au maire et vice-présidents des communes et intercommunalité de  10 000 habitants du bénéfice à suspension du contrat de travail et extension à deux mandats du droit à réintégration ;

-       Doublement de la durée de perception de l'allocation différentielle de fin de mandat ;

-       Institution d'un dispositif de validation de l'expérience acquise au titre d'une fonction élective locale pour la délivrance d'un titre universitaire ;

-       Instauration d'un plancher pour les dépenses de formation des élus  à 2 % de l'enveloppe des indemnités de fonction.

Qu’est-ce qu’un statut de l’élu territorial ?

 

Un statut fixe l’ensemble des garanties et des obligations qui, s’attachant à une personne, à un groupe, à un territoire, les distingue des autres.

S’agissant des élus territoriaux, il ne saurait donc se résumer, aussi indispensables puissent- elles être, aux dispositions pratiques et financières permettant d’assurer  la disponibilité nécessaire à l’exercice des mandats, facilitant le retour à l’emploi des élus ou la constitution d’une retraite méritée.

C’est fondamentalement un ensemble de devoirs, d’obligations et de garanties spécifiques tenant à la nature de la fonction exercée : avoir été distingué par ses concitoyens pour gérer les affaires publiques, en leur nom, dans l’intérêt général.

Le problème, c’est que si le chapitre devoirs et obligations s’allonge régulièrement, celui des garanties, judiciarisation et médiatisation de la vie publique aidant, tarde à venir.

Ainsi, le code pénal semble muni d’un cliquet : le fait d’être élu donne seulement des devoirs et des charges, rarement des droits. C’est vrai pour les délits non intentionnels comme la mise en danger d’autrui et, évidemment, pour les manquements au devoir de probité, les délits de prise illégale d’intérêt ou de favoritisme. C’est vrai pour les réponses généralement admises aux provocations et aux incivilités, même si le jugement de la cour d’appel de Douai dans la récente affaire du maire de Cousolre, qui avait giflé un adolescent, marque un véritable changement de perspective.

Comme résument Camille et Jean de Maillard : « On n’est plus citoyen que pour s’abstenir d’agir, à moins de vouloir assumer une responsabilité dont on devient l’infamant débiteur. » (« La responsabilité juridique » Flammarion)

Outre la question des conditions d’exercice légales des responsabilités incombant aux exécutifs et aux majorités, se pose la question du fonctionnement démocratique des institutions locales.

Si elles laissent beaucoup à désirer, plutôt que de chercher la solution, comme on ne cesse de le faire, dans le développement de contre-pouvoirs extérieurs à l’institution (démocratie participative, tutelle de personnes nommées par le pouvoir exécutif etc.), il vaudrait mieux dynamiser l’institution de l’intérieur en facilitant le travail des minorités, des oppositions. Tel est probablement l’un des versants les plus ignoré de ce que devrait être un statut de l’élu.

Oui mais voilà, présente dans le rapport du sénateur Debarge, quelques semaines avant la publication de la loi fondatrice de la nouvelle décentralisation de mars 1982, l’idée de statut de l’élu territorial continue de faire peur, le mot même demeure un gros mot. C’est ainsi que, depuis trente ans, on tourne autour et on atermoie.

Pourquoi un statut de l’élu territorial ?

Pourtant la mise en place d’un statut de l’élu territorial est absolument nécessaire.

1-Parce que ce serait prendre – enfin ! – notre Constitution au sérieux qui donne un fondement politique aux institutions locales. Selon ses termes, l’« organisation » de la France est « décentralisée », « les collectivités territoriales ont vocation à prendre les décisions pour l’ensemble des compétences qui peuvent le mieux être mises en œuvre à leur échelon » et « s’administrent librement par des conseils élus et disposent d’un pouvoir réglementaire pour l’exercice de leurs compétences ».

Les collectivités territoriales sont donc loin d’être des institutions destinées à donner un vernis démocratique à une administration d’État déconcentrée et à offrir un passe-temps à des notables rentiers trouvant là des occasions de mériter leurs décorations.

Prendre au sérieux l’idée de décentralisation, ce serait d’abord reconnaître symboliquement l’importance de la mission de ceux qui lui donnent vie.

Nous sommes loin, contrairement à ce que prévoit l’article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales, de fonctions gratuites. En finir avec cet article permettrait de sortir du dilemme qui fait des indemnités de fonction soit le salaire d’une fonction publique croupion (Note 4), soit une forme de dédommagement, facultatif, mais soumis à impôt et à cotisations sociales, ce qui n’est pas banal pour un dédommagement. Un dédommagement d’on ne sait de quoi  (perte de revenu, frais divers…), cohabitant avec la compensation de frais annexes, tels les frais de représentation ! (Note 5)

Sur le plan pratique, il s’agit donc de substituer dans tous les chapitres du CGCT, à l’expression « conditions d’exercice  des mandats » municipaux, départementaux, régionaux, des membres des conseils ou comités, celle de statut de l’élu municipal, départemental, régional, du délégué intercommunal et d’abroger le fameux article L. 2123-17 qui – pour les seuls élus municipaux- précise que leurs fonctions sont « gratuites ».

2- Parce que, comme dit plus haut, c’est la seule façon d’endiguer la dérive qui fait de l’élu territorial, dans l’exercice de ses fonctions – fonctions exercées au nom de la collectivité et dans l’intérêt général – un simple citoyen ou un professionnel.

En effet, si la longue liste des responsabilités des élus n’a rien à voir avec celle du citoyen lambda ou même d’un chef d’entreprise, d’un médecin ou d’un avocat, il en va différemment de sa responsabilité pénale. Au mieux, elle est la même ; souvent, elle est plus lourde, au motif que l’intéressé est « investi d’un mandat électif public », d’un pouvoir général de police ou « dépositaire de l’autorité publique ».

Tant qu’on refusera d’articuler principe d’égalité devant la loi et réalité de l’inégalité devant les charges, responsabilités et obligations, ce qui devrait être au cœur d’un authentique statut de l’élu territorial, même en ayant la conscience tranquille, infamants débiteurs des responsabilités qu’ils auront acceptées, les élus auront du mal à dormir en paix !

Trois urgences : préciser les notions de « prise illégale d’intérêt » et de « délit de favoritisme –ce que le Sénat a déjà fait à l’unanimité mais qui a disparu dans le trou noir de la navette parlementaire- préciser l’article L122-4 du Code pénal en donnant force de loi à l’arrêt de la cour d’appel de Douai du 10 octobre 2012 relaxant le maire de Cousolre (Nord) précédemment condamné pour avoir donné une gifle à un adolescent provocateur. (Note 6)

En attendant le statut de l’élu territorial.

 La proposition de loi a donc été votée à l’unanimité par le Sénat. Le contraire aurait surpris, le couvercle de la boite de Pandore du statut étant resté vissé, le principe de la gratuité des fonctions municipales maintenu et la grille des indemnités intacte.

Le président de la commission des lois pouvait exprimer sa fierté du travail accompli par le sénat et la ministre sa satisfaction, avant de conclure sur une note d’espoir :

« Nous nous réunirons bientôt pour travailler sur l’avenir de la proposition de loi.

Monsieur Collombat, nous ne sommes pas loin du statut de l’élu. Les sirènes du populisme peuvent bien continuer à retentir ; comme le montre ce qui a aujourd’hui été fait ici avec fierté, nous restons conscients des exigences de la démocratie, dont la protection des élus. C’est par un discours de vérité et de transparence que l’on combat le populisme ! »

Le Sénat a applaudit. Il lui reste seulement à passer aux actes, quand le gouvernement le lui demandera, évidemment.

Notes :

1-    F Hollande : « Dois-je rappeler que notre démocratie locale est sans doute la plus singulière, puisqu'elle ne reconnait à aucun moment un statut pour ces élus et que beaucoup sacrifient leur vie professionnelle à l'intérêt général ? »

      JP Bel : « Chers amis, nous devons donc renforcer les libertés locales. Mais comment les élus pourront-ils user de cette liberté s’ils n’ont pas les moyens d’exercer leur mandat en toute sérénité ? Je pense, bien sûr, au statut de l’élu, qui constitue l’une des préoccupations les plus fortes des élus locaux au quotidien. »

2-    Toutes n’ont pas la même portée et encore faudra-t-il que le texte voté soit inscrit à l’ordre du jour de l’AN et adopté, ce qui ne va pas de soit quand on considère le destin malheureux de précédentes propositions de lois, votées à l’unanimité au Sénat - telle la PPL Saugey adoptée le 30 juin 2011- et disparues dans le trou noir de la navette parlementaire.

3-    C’est la mesure phare de la proposition de loi qui correspond à une attente de beaucoup d’élus, gênés par l’obligation de demander à leur conseil municipal de fixer le montant de leur indemnité.

4-    Le rapport Mauroy de 2000 fait des élus des « agents civils territoriaux » pouvant donc être rémunérés.

5-    Actuellement, la seule chose certaine, c’est qu’on ne sait pas ce qu’est l’indemnité de fonction. Selon la circulaire du 15 avril 1992 relative aux conditions d’exercice des mandats locaux, par exemple, ce n’est ni un salaire, ni un traitement, ni une rémunération quelconque.

6-    Contrairement au TGI d'Avesnes-sur-Helpe qui avait retenu le fait d’être maire, donc « dépositaire de l’autorité publique», comme circonstance aggravante, la Cours d’appel de Douai  avait posé « que le geste du maire, mesuré et adapté aux circonstances de fait de l’espèce, même s’il l’a lui-même regretté, était justifié en ce qu’il s’est avéré inoffensif et était une réponse adaptée à l’atteinte inacceptable portée publiquement à l’autorité de sa fonction. » Une jurisprudence qui mérite d’être gravée dans le marbre de la loi.


                                                           De la République monarchique.

 

« Aucun électeur ne pourra déposer son vote qu’après avoir prêté, entre les mains du président, serment de fidélité au Roi des français, obéissance à la Charte constitutionnelle et aux lois du royaume. » Loi sur l’organisation municipale (21 mars 1831)

 

Tout est bon pour refuser aux élus locaux la reconnaissance dont l’institution d’un authentique statut serait le signe. L’exaltation de la grandeur du désintéressement attaché à leur dévouement et des principes de la République fait partie des figures imposées. D’où la particulière saveur des débats quand on touche à un point sensible comme l’abrogation de l’article L2123-17 du CGCT.

Mais, place au débat :

JP Sueur, président de la commission des lois : Le texte que vous proposez d’abroger date de 1831 (Note 1).

Il s’inscrit dans une tradition ancienne, antérieure à la IIIe et même à la IIe République, en vertu de laquelle on considère que l’exercice des mandats locaux ne donne pas lieu à un salaire. Ceux-ci sont assurés de manière civique et gratuite, et l’indemnité est une compensation.

Il y a là un principe républicain fondamental, que je défends ici…

Je tiens à être précis sur ce principe de la gratuité, qui a existé sous plusieurs républiques et même avant. Comme l’a souligné Mme la ministre, il y a beaucoup de sens à maintenir ce principe dans notre loi par respect pour les élus locaux.

Sur les 550 000 élus de France, sans doute près de 450 000 ne touchent aucune indemnité. Ces « hussards noirs de la République », pour reprendre une formule de Charles Péguy, se dévouent inlassablement et se battent tous les jours pour faire vivre nos communes. Ils connaissent chaque route, chaque chemin, chaque maison, chaque commerce, chaque entreprise ; ils connaissent la réalité, et la moindre des choses est de maintenir le principe en vertu duquel ils exercent leur mandat gratuitement. Je le dis avec gravité, car je pense que l’on ne peut pas tout traiter sur le mode de l’ironie.

ML Lebranchu, Ministre : Le principe de gratuité permet à toutes les collectivités territoriales de rembourser aux élus leurs dépenses, notamment, pour certains, les frais de garde d’enfants, de couvrir entièrement les sommes qu’ils engagent pour la collectivité. En supprimant pour ces 300 000 élus le principe de gratuité, vous leur enlevez la possibilité d’être indemnisés et remboursés de leurs frais. Il s'agit d’un véritable problème. (Note 2)…Le régime indemnitaire n’a pu être ouvert, y compris pour les parlementaires, que parce que la gratuité de la fonction a été établie.

Si l’on suit votre logique jusqu'au bout et que l'on rémunère cette fonction au lieu de l'indemniser, elle deviendra alors, comme tout salaire, imposable à 100 %. Choisir la rémunération revient à donc à remettre en cause le principe du régime indemnitaire des élus. (Note 3)

JC Lenoir : Vous vous référez à 1831, aux débuts de la monarchie de Juillet.

Faisons un peu d’histoire. Ceux qui dirigeaient la France alors n'avaient qu'une obsession : écarter des postes électifs ceux qui ne le méritaient pas, c'est-à-dire ceux qui travaillaient : ouvriers, employés, etc. En posant le principe de la gratuité, il s’agissait de réserver ces postes à ceux qui avaient les moyens d'agir sans être indemnisés. (Note 4)

C'est la raison pour laquelle je me tourne vers mes collègues Philippe Dallier et Pierre-Yves Collombat pour leur dire qu'ils ont tout à fait raison. Corrigeons ce texte qui remonte à 1831 et qui a tout simplement donné naissance à l'aristocratie républicaine.

PY Collombat : Le vrai problème, c’est qu’il faut rompre avec une hypocrisie – je crois que c’est Philippe Dallier qui a utilisé le mot tout à l’heure –, car, mystérieusement, ce principe ne concerne que les élus communaux. Pour autant que je sache, dans le CGCT, il ne s’applique ni aux élus départementaux ni aux élus régionaux. Là, on trouve cela normal ! De plus, la gratuité ne concerne que les petites communes, parce que, dans les grandes collectivités, elle ne pose pas de difficulté.

Dès lors, pourquoi ne pas lever ce verrou ? Cela ne changerait rien aux conditions effectives, qu’il s’agisse du montant des indemnités ou des contreparties. Lever ce verrou permettrait d’aller véritablement plus loin et de se débarrasser de cette clause qui remonte à 1831, une époque où, comme je le disais tout à l’heure, les fonctions électives étaient essentiellement décoratives – beaucoup de gens étaient alors nommés – et permettaient de justifier les décorations dont on gratifiait les notables locaux.

Nous ne sommes plus du tout dans cette configuration, surtout depuis 1982. Il faut tout de même être un peu cohérent !

Ph Bas : Je n'ai pas peur d'être taxé d'hypocrisie en affirmant que nos concitoyens, que j’ai aussi l'occasion de rencontrer, ont suffisamment de discernement pour comprendre la valeur de ce principe.

Par conséquent, nous ne devons pas supprimer l'article du code qui affirme que les fonctions électives sont gratuites. Quel que soit le mandat que nous exerçons, nous ne sommes pas les salariés de nos collectivités.

Ph Dallier : Les fonctions électives sont gratuites... C'est beau comme l'antique ! Certes, cela remonte à 1831, une période où le suffrage était censitaire et où les élus étaient désignés et avaient les moyens d'assumer leurs fonctions et de trouver ailleurs des revenus. Nous n'en sommes plus là.

Un autre point me gêne dans l'argumentaire des détracteurs de cet amendement : l’opposition gratuité versus professionnalisation. Je ne sais même pas ce que ce dernier terme recouvre : nous ne sommes pas titulaires d'un CDI ! Au terme de notre mandat, les électeurs jugent notre compétence et nous reconduisent ou non dans nos fonctions. De quoi parlons-nous au juste ? La compétence des élus, c'est un autre débat !

Comme un certain nombre de mes collègues, madame la ministre, vous affirmez que supprimer le principe de la gratuité ferait tomber tout le reste et nous empêcherait d'indemniser les élus ou de les défrayer.

Pour ma part, je n'en suis absolument pas certain.

La suppression d’un article du code qui prévoit que certaines fonctions électives sont gratuites nous empêche-t-elle vraiment de continuer à affirmer que les élus peuvent être indemnisés ou défrayés de certaines dépenses qu'ils auraient engagées ?

Notes

1- La loi sur l’organisation municipale de 1831 dit exactement ceci : « Les fonctions de maires, des adjoints et des autres membres du corps municipal sont essentiellement gratuites, et ne peuvent donner lieu à aucune indemnité ni frais de représentation »

A comparer à la rédaction de l’actuel article 2123-17 du CGCT : « Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites. » qui tout en affirmant le principe de la gratuité des fonctions municipales permet d’autres dispositions qui le nient, indemnités et frais de représentations. La Monarchie de Juillet avait au moins le mérite de la cohérence. Il est vrai qu’elle n’avait pas l’obligation de se faire passer pour démocratique.

2- On ne voit pas le lien entre possibilité d’être remboursé de ses frais et principe de gratuité des fonctions. Que l’on sache les conseillers généraux et régionaux pour lesquels n’existent pas l’équivalent de l’article 2123-17, bien qu’indemnisés se voient rembourser certains de leurs frais.

3- Personne ne parle de « rémunérer » les élus plutôt que de les « indemniser », pas même de tous les indemniser, seule chose qui fasse peur à nos comptables. Le problème, c’est qu’on est bien incapable de distinguer indemnisation et rémunération, de dire de quoi l’élu est indemnisé quand il l’est.

4- Selon la loi sur l’organisation municipale de 1831, « les maires et les adjoints sont nommés par le Roi, ou en son nom par le préfet » (Article 3).

Les conseillers municipaux sont élus par « l’assemblée des électeurs communaux » composée des « premiers citoyens les plus imposés aux rôles des contributions directes de la communes, âgés de 21 ans accomplis » (article 10). Représentant 10% de la population des communes de 1000 habitants et moins, la proportion baisse plus la taille de la commune augmente.

La gratuité des fonctions signe donc leur caractère notabiliaire et le rôle de courroie de transmission du pouvoir central des exécutifs locaux, tous nommés.


 


L'acte III de la décentralisation comme acte manqu | Page 10 sur 46 | CG83 BP 2013

  

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La lettre du Sénateur N° 45 Octobre Novembre Décembre 2015 

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