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 RÉFLEXIONS

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 Rapport

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 
Sénateur du var.

Avis présenté  au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Sénateur du var.

Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de
finances pour 2015, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I

 Rapport de M. Pierre-Yves COLLOMBAT, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.


  

 Exercices de désenfumage
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 LA fabrique DE LA LOI 


Finalement, les offensives contre les articles du projet de loi « modernisation de l’action publique territoriale et affirmation des métropoles »  (articles 56 à 59 du texte issu de la CMP) relatifs à la gestion des milieux aquatiques et la prévention de l’inondation auront fait long feu. Loin de revenir sur l’initiative sénatoriale, l’Assemblée nationale en a précisé et amélioré le contenu, ce que la CMP puis les deux chambres ont confirmé.

Le texte prévoit trois dispositions essentielles :

-1. La désignation des intercommunalités comme attributaire de la compétence « gestion des milieux aquatique et prévention de l’inondation ». C’est pour elles, désormais, une compétence obligatoire (article 56)

-2. Ces intercommunalités, pour l’exercice de cette compétence au niveau pertinent ont la possibilité de se regrouper, avec d’autres partenaires (Départements, Régions, Agences de l’eau…) au sein d’Etablissements publics de gestion de l’eau (EPAGE) à l’échelle d’un bassin versant. A l’échelle des grands ensembles fluviaux, les EPTB assurent la coordination de l’action des EPAGES et veillent à la solidarité entre territoires, les ruraux étant généralement sacrifiés pour la bonne cause à la protection des villes (Article 57).

-3- Les intercommunalités peuvent instituer une « taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations. » ainsi créée (article 56).

L’objet de celle-ci «est le financement des travaux de toute nature permettant de réduire les risques d’inondation et les dommages causés aux personnes et aux biens. », ainsi que toutes les actions liées à la prévention des inondations

Il s’agit d’une taxe additionnelle répartie « entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente à la commune ou aux communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »

Son a assiette très large en fait donc un outil de solidarité territoriale face à l’inondation, et garantit des taux bas. Son recouvrement n’entraîne aucuns frais supplémentaires.

Pour résumer : une taxe dont la création est facultative, plafonnée à 40€ par habitants et dont le produit est « exclusivement affecté au financement des charges de fonctionnement et d’investissement résultant de l’exercice de la compétence de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations ». Selon la simulation de la DGCL, cette taxe, si elle était instituée partout en France à son plafond rapporterait autour de 600 M€ par an. Chiffre à rapprocher des 250 à 350 M€ dépensés annuellement pour la prévention active de l’inondation, laquelle s’en trouverait ainsi stimulée.

Ce rappel fait, il nous a semblé intéressant de revenir, à partir de cet exemple banal, sur les à côtés, rarement évoqués, de l’élaboration des lois ; de revenir sur les jeux d’influences, les pressions exercées ainsi que sur la mise en spectacle à laquelle elle donne lieu quand, pour des raisons mystérieuses, la machine médiatique vient à s’y intéresser.

Comme on l’a vu dans le numéro de décembre 2013 de 36000 communes, la première offensive pour faire échouer l’initiative sénatoriale fut de facture classique. Coordonnée par le CEPRI, qu’on aurait imaginé dans un autre rôle, elle a été conduite sous le drapeau de la demande de concertation, d’études d’impact approfondies, fautes desquelles les associations signataires demandaient au Premier ministre « de suspendre l’adoption des articles relatifs à ce sujet » (Lettre du 25/10/2013).

En un mot il était urgent de ne pas se précipiter, de différer l’adoption de dispositions dont on peine pourtant à  percevoir la nocivité : crainte d’un désengagement encore plus grand de  l’Etat? Refus pour les intercommunalités d’assumer une compétence qui manifestement ne saurait être exercée au niveau des communes ? Réaction face à une intrusion intempestive dans le pré carré des gestionnaires de l’eau ? On ne sait et l’on en reste à s’étonner d’une telle réaction face à cette clarification des compétences (1) accompagnée des ressources pour les assumer.

Mais peu importe puisque le gouvernement n’a pas répondu à cette demande de renvoi.

La seconde offensive, politico-médiatique celle-là, fut menée sur le thème de la « pause fiscale ». La simple possibilité pour les intercommunalités, désormais clairement en charge de la compétence « gestion des milieux aquatiques et prévention de l’inondation », de financer leurs actions, en totalité ou en partie, par une taxe assise sur le foncier a déclenché un prurit médiatique aussi inattendu, vu le sujet austère et consensuel, que révélateur du caractère moutonnier d’un système médiatique fonctionnant à l’économie de pensée.

Peu importe l’enjeu. Peu importe que l’inondation reste le premier risque naturel en France  auquel sont exposés, avec la submersion marine, 18,5 millions de français, que 10 millions d’emplois soient concernés. Qu’importe si depuis 4 ans on déplore plus de 80 morts pour fait d’inondation en France. Qu’importe que l’ardoise attendue en Iles de France de la prochaine inondation de l’ampleur de celle de 1910 soit estimée à 40 milliards d’euros. « L’angle » qui permet de transformer tout problème en spectacle comme l’enseigne les écoles de journalisme, les œillères polémiquement payantes de l’air du temps, c’est la taxe additionnelle facultative sur le foncier. Elle est même baptisée: «aquataxe ».

L’Opinion du 3 décembre 2013 (2) lance le mouvement avec ce titre : «  Après l'écotaxe et l'équitaxe, voici venir l'aquataxe » et ce commentaire «La frénésie fiscale n'a plus de limite : l'Assemblée nationale doit bientôt se prononcer, en deuxième lecture, sur un projet de taxe sur les rivières ». Le troupeau suit :

 Le Figaro du 7 décembre 2013 avec ce titre : « Une aquataxe pour réparer les cours d’eaux », et ce commentaire « En matière de créativité fiscale, l'imagination des pouvoirs publics est sans limite. Après l'écotaxe sur les poids lourds et l'équitaxe sur les centres équestres, le dernier prélèvement à l'étude a été baptisé «aquataxe» et devrait concerner… les cours d'eau. ». L’Express le 11 décembre 2013 : «Surnommée "aquataxe", cette contribution arrive en plein ras-le-bol fiscal ». Les Echos, une partie de la PQR (Le Télégramme, l’Est Républicain notamment), la radio (Europe1, RTL), Blogs indignés…la machine à formater l’opinion est lancée.

Même les publications  qui, comme Les Echos ou L’Express prennent la peine de rappeler les enjeux de la prévention de l’inondation, par leur mode de traitement de l’information contribuent non pas à faire progresser la réflexion mais à l’empêcher. (3)

Comme on voit l’argent public injecté dans la presse (4) au nom du pluralisme de l’information sert surtout à l’acquisition de « stabilos », l’arme suprême de ceux qui veulent compter selon Alexandre Taillard de Worms  (5)

Les politiciens pressés ou en mal de visibilité en ont plein les poches. (6)

Evident, pas de bon feuilleton sans relents de magouille (7) et quelque licence avec la vérité. h

Ainsi le 3 décembre 2013, L’Opinion et Ouest France relayant Pascal Marie (8), secrétaire national de CPNT, nous apprennent qu’un complot contre les agriculteurs  se trame au Parlement : on va taxer les rivières et les propriétaires riverains vont payer : « les rivières. Les propriétaires de terrains traversés par les cours d'eau, qu'ils soient agriculteurs ou particuliers, pourraient bien devoir payer à l'année jusqu'à 50 centimes par mètre linéaire. C'est en tout cas ce que prévoit un article de loi de Modernisation de l’Action publique et d’Affirmation des métropoles, qui doit passer en deuxième lecture à l'Assemblée nationale le 10 décembre. » (L’Opinion)

Suit une histoire rocambolesque où l'Office national de l'eau et des milieux aquatiques (ONEMA) serait chargée de l’entretien des rivières, d’où l’aquataxe pour la financer. Or, l’ONEMA vient de faire l’objet d’un rapport accablant de la cour des comptes ; une enquête préliminaire est même en cours, .pour abus de biens sociaux et détournement de fonds.

 « C'est donc à cet organisme (…) que l'on va confier la gestion des ressources tirées de l'«aquataxe», s’indigne le quotidien  libéral, européen et pro-business. Un organisme que le président de la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles, (FNSEA), Xavier Beulin, ne porte pas dans son cœur. » Il faut dire qu’il « devrait être bientôt convoqué au tribunal, pour une histoire d'étang curé sans autorisation ».

Bien qu’informé du contenu exact du texte dont aurait à débattre l’AN, Le Figaro 4 jours plus tard n’en persiste pas moins à lier taxe et « réparation » (sic) des cours d’eau, validant par ailleurs le roman publié par L’Opinion : « L'idée de mettre à contribution les seuls riverains des cours d'eau en fonction de la longueur de leurs berges - une taxe de 50 centimes d'euro le mètre linéaire a été étudiée - a vite été abandonnée. Elle avait provoqué une levée de boucliers des syndicats agricoles, FNSEA et Coordination rurale en tête »

Le plus amusant de l’affaire c’est que le texte issu du Sénat, sans exonérer les propriétaires de rivières de leurs obligations actuelles d’entretien (Article L215-14 du code de l’environnement) –ce que précisera clairement l’AN en seconde lecture- prenant acte du fait que la législation ne correspondait plus à la situation actuelle où prédomine l’urbanisation et où les collectivités doivent se substituer à des propriétaires défaillants, retient l’ensemble du foncier comme assiette de la Taxe. On passe ainsi d’une logique de protection et d’entretien minimal et aléatoire à une logique d’obligation d’aménager un territoire pour le protéger. Sont contributeurs tous ceux qui bénéficient de cette politique. Assurer la sécurité et les emplois de tout un territoire intéresse tous ses habitants d’où l’assiette très large de la taxe ce qui garantit un taux bas (9)  

Comme on voit, si c’est le « législateur » qui fait la loi, il est loin de la faire tout seul. Ainsi va notre démocratie sous la Vème République finissante.

 


 

1- Lors de la discussion au Sénat, le rapporteur du texte, René Vandiérendonck, a parlé de « compétence sans maître ». Si, en effet, les berges et les cours d’eaux domaniaux appartiennent à l’Etat qui a la responsabilité de leur gestion, cela ne signifie nullement que cela lui donne celle de prévenir l’inondation des territoires traversés. Pas plus que sa participation financière, voire sa gestion de certains équipements destinés à protéger les populations signifient qu’il en a l’obligation. Quant à ses participations aux investissements réalisés dans le cadre des PAPI, elles sont essentiellement financées par le fond Barnier, autant dire par les assurés.

De même le fait que les riverains des cours d’eau non domaniaux en soient propriétaires et aient l’obligation d’en entretenir les berges, ne leur donne aucune obligation en matière de prévention de l’inondation.

En fait on assiste à un renvoi de balle, d’autant plus favorable à l’immobilisme que les ouvrages réalisés et la qualité de leur entretien engagent la responsabilité de leurs auteurs.

A noter, enfin que les phénomènes de ruissellement, avec l’explosion de l’urbanisation, sont au moins autant que le débordement traditionnel des cours d’eau à l’origine des catastrophes.   

2- L’Opinion, quotidien « libéral, européen et pro-business », comme le définit son président fondateur, par ailleurs directeur, Nicolas Beytout, est le dernier né de la presse française. « Libéral, mais pas de droite » précise-t-il

3- Titre du 16/12/2013, après le vote de l’AN : « Le gouvernement reporte à 2016 la  taxe inondation ». C’est sous ce seul angle qu’est évoquée la question dans l’article de synthèse que Les Echos consacrent au projet de loi après son adoption : « Les métropoles portées sur les fonds baptismaux »  (23/12/2013)

4-En 2010 les aides budgétaires directes de l’Etat à la presse se montaient à 518,32 millions d’euros (abonnement à l’AFP, aide à la diffusion, au pluralisme, à la modernisation, compensation tarifaire à La Poste etc.). S’y ajoutent des aides indirectes qui ne peuvent qu’être estimées : régime de TVA très favorable, aides fiscales diverses, réductions de cotisation sociale, charges non compensées à La Poste bien supérieure à sa contribution à la présence postale territoriale…L’ensemble pouvait être estimé en 2010 à 952,22 Md€ (hors charges laissée à La Poste) Au total donc une aide d’au moins 1,6 Md€ dont une contribution remarquée des collectivités locales estimée à 210 M€ au titre de l’exonération de CET (ex TP).

5- Ceux qui ne connaitraient pas cet auteur iront voir d’urgence « Quai d’Orsay », le dernier film de Bertrand Tavernier.

6- Quelques citations : « C’est l’overdose quel que soit le nom de la taxe » (Patrick Ollier, UMP, interrogé par l’Express le 11/12/2013) ; « Pas une mais deux aquataxes » (Communiqué de Leif Blanc, Délégué national à la ruralité, l’agriculture et l’environnement du FN 12/12/2013) ;

7- Pour le site d’Europe 1 : « L’aquataxe  (a été) adoptée en sous-marin » (13/12/2013). Un sous-marin peu furtif, il faut l’avouer

8- Cette taxe « n'aura pour effet que de détruire encore un peu plus notre agriculture et de pénaliser les ruraux, frappant tous ceux qui ont un cours d'eau sur leurs terrains, des particuliers jusqu'aux agriculteurs… La taxe serait annuelle, de 50 centimes par mètre linéaire » Ouest France 03/12/2013

9- Article 56 du texte définitif « III. – Le produit de la taxe prévue au I du présent article est réparti entre toutes les personnes physiques ou morales assujetties aux taxes foncières sur les propriétés bâties et non bâties, à la taxe d’habitation et à la cotisation foncière des entreprises, proportionnellement aux recettes que chacune de ces taxes a procurées l’année précédente à la commune ou aux communes membres de l’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre. »


Une éthique pour temps de crise | Page 5 sur 46 | Grands principes et petits arrangements

  

 PUBLICATIONS

La lettre du Sénateur N° 45 Octobre Novembre Décembre 2015 

LA CRISE GRECQUE ET LE THEÂTRE PARLEMENTAIRE

POURQUOI L’ACCORD DE BRUXELLES EST UNE TROMPERIE

RETOUR SUR LA LOI MACRON (7/17 avril, 4/12 mai 2015)

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