Un homme qui passe
Septembre 1991
« Je donne ce qu’il est en moi de donner. Je ne suis qu’un homme qui passe. D’autres viendront plus habiles, plus heureux peut-être, aucun plus soucieux de la France et de la dignité de la démocratie ». Ainsi se définissait G. Clemenceau comme le rapporte Charles GALFRE, dans le beau livre qu’il vient de consacrer au Tigre en Provence.
Ch. GALFRE nous aide par cet ouvrage à débrouiller une partie de l’énigme Clemenceau, l’intérêt du Tigre pour le Var n’étant pas le côté le plus clair du mystère.
Par delà les motivations strictement politiques, deux ressorts de cet attachement : le Var est une terre méditerranéenne, autant dire grecque, autant dire le berceau de la raison, de la civilisation, de la république ; c’était une terre à la fois rebelle et généreuse. Si, comme le dira Léon Daudet « Clemenceau avait l’irrespect chevillé dans une âme généreuse », on peut comprendre ce choix pour notre département.
Pourtant, Clemenceau a une autre face, plutôt anglo-saxonne que méditerranéenne. Cela expliquerait son attachement à la transformation politique et sociale par la loi et le fonctionnement régulier de l’institution républicaine, son absence d’état d’âme – jusqu’à l’acharnement comme dans la répression de la révolte viticole ou des menées pacifistes – quand il s’agit de placer la force au service du Droit, de la République, de la Nation.
On lui attribue paraît-il ce mot : « Tous les désastres de la démocratie viennent de son mépris pour la force ; sans elle, rien ne se fonde et rien ne s’écroule ».
Quand on visite à Saint Vincent sur Jard, en Vendée, la maison où s’acheva sa vie, on a l’impression de renouer avec la tradition des pères fondateurs de la République… américaine. Ce mélange de grandeur et de modestie est tout à fait surprenant. L’élu du peuple rend visible la grandeur de ce peuple et demeure simple citoyen dans le même moment.
Il ne détient pas, fut-ce temporairement, le Pouvoir du peuple, il a simplement le devoir d’en user au mieux. On est loin de la démocratie clientéliste des bords de la Méditerranée et on peut craindre que Clemenceau n’ait guère apprécié le rôle de prestataire de service que ses électeurs voulaient lui faire jouer.
Au total, le Tigre n’aura pas séjourné longtemps en Provence. Les difficultés des communications, son rôle national l’obligeant à séjourner surtout dans la capitale, ne l’expliquent pas totalement. Il en fallait plus à ce voyageur infatigable jusqu’au soir de sa vie.
Mais un homme qui passe, pouvait-il s’arrêter ailleurs qu’au bord de l’océan ?
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