Le PS FACE A SON DESTIN.
(10 juin 2005)
Désavoué par son électorat (59 % des sympathisants du PS ont voté « non » et plus largement 67% des électeurs de gauche, au référendum du 29 mai), divisé au terme d’une campagne durant laquelle les échanges d’insultes ont tenu leur place, sans doctrine claire depuis vingt ans, sans programme identifié, le Parti socialiste est face à son destin.
S’il veut continuer à jouer le rôle central qui est le sien, en France et à gauche, il doit impérativement se rassembler. Comment ?
En commençant par éviter la tentation de la chasse aux sorcières et aux règlements de comptes, mais pas seulement. La cohabitation de personnalités aux destins concurrents et de conceptions politiques opposées trouve vite ses limites, sans socle commun.
Ce rassemblement ne peut se faire aujourd’hui autour d’un homme, tels F Mitterrand ou L. Jospin en leur temps, encore moins autour d’un candidat incontestable à la prochaine élection présidentielle. Il ne peut se faire qu’autour d’une doctrine, d’un programme de gouvernement, d’une stratégie électorale, la doctrine articulant programme et stratégie.
Cela suppose de trancher un certain nombre de questions embarrassantes.
La doctrine : que signifie être socialiste aujourd’hui ?
En 1981 on pensait le savoir. Puis il y eut rapidement la « parenthèse », jamais refermée.
Faute de pouvoir en définir une autre, un ensemble de vœux et de « valeurs », assorti d’éléments programmatiques plus ou moins cohérents tint lieu depuis de doctrine. L’essentiel étant de se maintenir ou de revenir au pouvoir, l’on fit largement le contraire de ce qu’on avait dit et fait: privatisations des entreprises, des services et des banques publiques, indépendance de la Banque de France et du système bancaire européen, baisses d’impôts, marché unique européen…On touche aujourd’hui aux limites de l’exercice de grand écart : sauf à accepter sa dissolution progressive dans le paysage politique, le PS ne peut plus éluder la question de savoir ce que signifie être socialiste aujourd’hui ?
Quand la droite est au pouvoir, les Français s’aperçoivent vite que la gauche et la droite, ce n’est pas la même chose. Pourtant, dès que la gauche revient, la confusion s’installe dans les esprits et les élections suivantes sont perdues. L’exemple du 21 avril 2002 est éloquent.
Le bilan du gouvernement Jospin (notamment en termes d’emploi) supportait largement la comparaison avec les gouvernements de droite qui l’avaient précédé. On connaît la suite, que la pression des médias n’explique qu’une partie. L’échec du 21 avril montre qu’un bon bilan vu d’en haut peut l’être moins vu d’en bas. N’y lire qu’un problème de communication (de propagande) serait une lourde erreur.
Le bon sens voudrait, notamment, que l’on s’enquière des préoccupations réelles des français, éventuellement qu’on ne les tienne pas pour imaginaires lorsqu’elles ne coïncident pas avec ce qu’on pense qu’elles devraient être (CF les questions de sécurité), que l’on s’interroge sur les effets réels des politiques menées, sur les blocages éventuels (CF la réduction du temps de travail, la situation réelle de l’éducation nationale etc.)
Pour faire simple, la question de fond est de savoir si le socialisme à la française est une variété laïque, moralisatrice et hygiéniste de démocratie chrétienne : volonté de correction au nom des valeurs, de la morale, de l’hygiène… des effets sociaux pervers d’un système économique autorégulé sur lequel on renonce légitimement à avoir prise.
Si c’est une forme de « social libéralisme » : accompagnement réglementaire et législatif d’évolutions sociales, par essences progressistes puisque nouvelles. L’économie de marché plus le mariage homosexuel, en quelque sorte..
Si c’est encore une forme de la sociale démocratie : acceptation du rôle du marché dans son domaine mais limitation de celui-ci et refus de croire qu’il puisse s’autoréguler, recherche du compromis social.
Cela signifie que l’on identifie de quels leviers de régulation économique on peut encore disposer quand la politique budgétaire est encadrée par les critères Maastricht, la politique monétaire aux mains d’un système bancaire européen indépendant, quand le marché des capitaux est l’arbitre ultime des politiques industrielles.
Cela signifie réintroduction de la dimension strictement politique de la régulation économique et sociale, tout choix, y compris en matière de construction européenne, ayant des conséquences sur la capacité de maîtrise collective des individus sur leur destin.
Si c’est enfin et de nouveau, la rupture avec le capitalisme et vraisemblablement alors, le socialisme dans un seul pays ?
Tant que le PS n’aura pas tranché ces questions, son programme de gouvernement et sa stratégie électorale sont condamnés à osciller entre le « réalisme opportuniste », permettant d’accéder au pouvoir entre deux rejets de la droite et « le messianisme gauchiste », d’autant plus pur que la perspective de gouverner sera éloignée. L’histoire a montré que les deux tentations et les deux positions pouvaient cohabiter chez le même individu, et assurer de belles carrières. Le profit collectif, c’est une toute autre chose.
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