La gauche varoise
mai 2004
Au soir du 28 mars 2004, avec 166.885 voix contre 155.561 à la droite, la gauche prenait l’avantage pour la première fois depuis longtemps, dans le Var. L’observation vaut autant pour les grandes villes (40,5 % à la gauche contre 39,6 % à la droite à Toulon ; 48,5 % contre 31 % à la Seyne) que pour les cantons ruraux ou semi ruraux (48,5 % à la gauche contre 32,6 % à la droite, dans le canton de Callas; 45,6 % contre 30,9 % dans le canton de Tavernes ; 43,8 % contre 32,7 % dans le canton de Saint-Maximin). Ce ne sont là que quelques exemples. Pour résumer, la liste MUSELIER arrive en tête essentiellement dans le canton de Fayence et les communes littorales. En terme, non plus de voix, mais de représentation, cette victoire se traduit par l'élection de 7 représentants de droite et 14 de gauche au Conseil Régional, soit un rapport de 1 à 2.
Au Conseil Général ce rapport s'inverse : 11 élus de gauche contre 32 de droite, soit un peu moins de 1 pour 3. Il est cependant un peu supérieur à 1 pour 2, donc proche du précédent, s'agissant du renouvellement de mars 2004 (7 élus de gauche contre 16 de droite). Il faut y voir la marque de l'enracinement local des conseillers généraux de gauche élus.
La représentation nationale, députés et sénateurs yarois, par contre, est parfaitement monocolore voire mono partisane: bleu UMP. Le rapport droite gauche, 10 à ... 0, devient incalculable, comme chacun sait depuis ses années de collège.
Nous ne tirerons, cependant, de ces chiffres, ni la conclusion que la dernière expression du suffrage universel délégitime toutes les autres, ni que les élections sont toutes du même niveau et d'enjeux équivalents, ni même que le scrutin à la proportionnelle est par essence et en toutes circonstances supérieur au scrutin majoritaire.
Il n'y a pas de mode de scrutin idéal.
Un bon mode de scrutin doit, en effet, concilier des objectifs passablement contradictoires : assurer une représentation de l'opinion publique la plus fidèle possible, celle donc des minorités; permettre des majorités de gestion et de décision; être compréhensible par l'électeur; assurer un lien tangible entre l'élu, ceux qu'il représente et le territoire dont il est l'expression.
Curieuse conception de la démocratie qui consiste à louanger le matin la «proximité», la «démocratie participative» et le soir à mépriser ceux qui la font vivre au quotidien, que leurs concitoyens élisent et réélisent, à ne voir en eux que «caciques» sans légitimité.
Celle des urnes vaut largement celle des imprimaturs idéologiques.
Après tout, un mode de scrutin en équilibre un autre et la démocratie peut n'être finalement que la résultante du jeu des forces politiques opposées, un espace de liberté sans cesse remis en question. On aura compris qu'en démocratie, majorités et oppositions sont aussi indispensables les unes comme les autres.
Les «écarts» dans l'expression du suffrage universel, du fait des circonstances, des modes de scrutins, des enjeux, des candidats ne renvoient donc pas obligatoirement à un dysfonctionnement de la démocratie. Il en va tout autrement quand «l'écart» devient «grand écart». Dans le Var peut-il être plus grand qu'entre la représentation de la gauche au Conseil Régional et celle au Parlement? Comme dirait Boris VIAN: «Y a quelque chose qui cloche là-dedans».
Mais les scrutins de mars 2004 ne sont pas seulement instructifs comme révélateurs des aberrations de notre système de représentation; ils le sont aussi et surtout en ce qu'ils montrent que la gauche demeure une force politique essentielle de ce département, trop vite enterrée ; ils montrent par où passe le chemin de son redressement.
Je le résumerai en trois mots, trois impératifs : union, proposition, enracinement.
L’union quand elle s'est réalisée, la capacité de proposition, l'enracinement dans la vie locale expliquent les bons résultats des candidats de gauche aux cantonales, qu'ils aient finalement été élus ou non.
La création au Conseil Général du Var d'un groupe unique de la gauche varoise, réunissant élus socialistes et communistes, pratiquant une opposition constructive, voudrait aussi avoir cette signification. Comme nous l'avons dit au Président LANFRANCHI, après l'avoir félicité pour sa réélection à la tête du Département, notre rôle d'opposition n'est pas seulement de nous opposer, nous le ferons quand ce sera nécessaire. Il est aussi de proposer et d'amender la politique de la majorité ; au final, c'est de l'intérêt des Varois qu'il est question.
Et au seuil de cette mandature, ce ne sont ni les dossiers, ni les sujets de préoccupations qui manquent : formation professionnelle, transports et aménagement du territoire, petite enfance, logement, service public, politique foncière, politique de la forêt, aide sociale et insertion etc. Avec la menace permanente de voir les dépenses issues des récents transferts de compétences de l'État aux Départements n'être plus couvertes par les recettes transférées.
Indépendamment du problème politique général que pose l'abandon par l'État de ses obligations en matière de solidarité, de revenu minimum, que pose le RMA et les risques évidents de dérive qu'il porte en germe, la disparition planifiée du dispositif CES/CEC, il s'agit là d'une véritable bombe à retardement placée au cœur des finances départementales.
D'un côté, en effet, des obligations financières très sensibles à la conjoncture économique, dans un contexte de transfert d'une part des charges du chômage vers celles du RMI, de l'autre, une recette, la Taxe Intérieure sur les Produits Pétroliers (TIPP), que les Départements ne pourront faire évoluer en fonction des besoins. Ils n'en maîtrisent, en effet, ni le taux ni l'assiette.
De plus, comme le fait remarquer Michel KLOPFER «La TIPP est tout sauf une recette dynamique : entre 1994 et 2003, elle n'a progressé que de 1,5 % par an, encore moins que la DGF qui affiche, elle, 2,4 % annuels. Deux points pénalisent la croissance de la base taxable. Les efforts des constructeurs pour rendre les voitures moins gourmandes et le transfert régulier vers les motorisations diesel : le seul facteur de croissance de la ressource a été l'augmentation du tarif décidé par l'État». (Le Monde 16/03/2004).
En bonne logique, tout ralentissement économique se traduira par une progression du volume des allocations minimum et aussi par une baisse du rendement de la TIPP.
Les Départements devront alors compter sur la bonne volonté du Gouvernement dont on sait ce qu'elle vaut en matière de compensations financières. Le risque de voir la fiscalité sur les ménages s'alourdir d'autant n'a donc rien de théorique.
La prochaine mandature s'annonce donc chargée et les choix auxquels les élus seront confrontés plus difficiles que par le passé.
Le groupe de la Gauche Varoise entend bien y tenir sa place, toute sa place •
|