PPL VISANT A LA RÉOUVERTURE EXCEPTIONNELLE DES DÉLAIS D'INSCRIPTION SUR LES LISTES ÉLECTORALES
(21 mai 2015)
Réalisant un peu tard que le report des élections régionales à décembre 2015 rendait plus difficile la participation de certains électeurs, le Gouvernement par le canal parlementaire a décidé une réouverture exceptionnelle des listes électorales. Rapporteur du texte au Sénat et hostile par principe aux lois de circonstance destinées à corriger les dégâts collatéraux des lois précédentes, j’ai préféré à cette solution, une simple modification du code électorale, de portée générale. Après échec de la CMP, objectant à tort que l’afflux des demandes d’inscriptions rendrait le contrôle de leur légalité impossible, l’AN a finalement imposé son point de vue. Les communes devront donc procéder à une révision de leurs listes pour permettre aux électeurs inscrits jusqu’au 31/09/2015 de voter aux régionales, avant de les réviser début 2016 selon la procédure habituelle !
Présentation du texte amendé par la commission des lois (DG)
L’objet de cette PPL qui nous vient du groupe socialiste de l’AN, est de permettre la réouverture exceptionnelle des délais d’inscription sur les listes électorales afin de permettre à ceux qui n’ont pu s’inscrire avant le 31 décembre 2014 et qui, sauf dérogations prévues à l’article L30 ne pourront voter aux élections régionales de décembre 2015, de le faire.
Une telle proposition semble de bon sens : qui refuserait d’endiguer l’absentéisme électoral ?
Mais, est-ce le bon moyen ? Est-ce le bon moment ?
Le premier responsable de l’absentéisme électoral, qui touche notre démocratie au cœur, est-il la rigidité des procédures d’inscription sur les listes électorales ? Si elle y contribue, une mesure ponctuelle, exceptionnelle, est- elle le meilleur remède à cette désaffection massive de nos concitoyens ?
Au premier tour des élections départementales de mars 2015, les abstentionnistes ont représenté 49,8% des inscrits, ceux qui se sont exprimés 47,7% seulement des inscrits, ce qui signifie que moins d’un électeur sur deux a participé au choix de ses conseillers départementaux.
Là est le vrai problème de notre démocratie, pas les non inscrits ou les « mal inscrits », fussent ils 3 millions pour les premiers ou 6,5 millions pour les seconds, selon les estimations, d’autant qu’il n’y a aucune raison pour qu’une fois inscrits ils se comportent différemment du corps électoral tout entier.
La procédure d’inscription sur les listes électorales serait «véritablement moyenâgeuse », nous dit, tout en nuance, le directeur du département de sciences politiques de l’université de Montpellier-I dans Libération (26/12/2014). On nous permettra de douter de cette vision du Moyen-âge.
Trop rigide pour être adaptée à la mobilité de la France d’aujourd’hui, la procédure prévue aux articles 16 à 29 du code électoral, doit-elle être revisitée comme le propose le rapport d’information de nos collègues députés Élisabeth Pochon et Jean-Luc Warsmann dont s’inspire la proposition de loi ?
Probablement.
Mais alors ce réexamen ne peut se limiter, comme ici, à la réouverture « exceptionnelle » des listes électorales à quelques mois d’une échéance électorale qui ne s’annonce pas forcément sous les meilleurs auspices pour le gouvernement. Rien ne serait pire, en effet, qu’une mesure exceptionnelle pouvant –à tort ou à raison- éveiller le soupçon d’une opération d’opportunisme électoral, d’ailleurs voué à l’échec comme toutes celles du même genre.
Après 5 ans de torture du calendrier électoral, de bouleversements répétitifs des institutions départementales et régionales (compétences, modes d’élections, circonscriptions d’élections etc.), une modification « exceptionnelle » des conditions d’inscription sur les listes électorales aurait des effets fâcheux, voire contre-productifs sur l’opinion que ces changements incessants déconcerte.
Remarquons d’ailleurs que si le niveau de participation électoral était la première préoccupation du gouvernement, il ne serait pas revenu sur la date du 14 mars 2015 d’abord envisagée, qui avait le mérite de conserver la simultanéité des élections départementales et régionales, d’éviter de convoquer les électeurs au mois de décembre, période de l’année à la météorologie hasardeuse et où les Français pensent plus au Père Noël de leur enfance qu’aux Pères Noëls électoraux.
Le calendrier d’inscription sur les liste électorales, nous dit l’exposé des motifs de la PPL est devenu au fil des années « trop contraignant, inadapté au rythme démocratique et à la mobilité des électeurs »
« Trop contraignant » ? Je viens de répondre : trop contraignant probablement, mais une disposition exceptionnelle ne saurait y répondre.
« Inadapté au rythme démocratique » ? Peut-être, mais que peuvent bien avoir de « démocratiques », les bouleversements du calendrier électoral de ces dernières années, imposés au forceps ? Surtout, à qui la faute ? « Nemo auditur propriam turpitudinem allegans », dit le vieil adage.
Bref retour sur les cinq ans écoulés :
Loi du 16 décembre 2010. Elle institue le conseiller territorial qui se substitue au conseiller général et au conseiller régional. Son article 82 prévoit que le renouvellement général des conseillers généraux et régionaux aura lieu concomitamment en mars 2014. Les conseillers généraux élus en mars 2011 remplieront un mandat de trois ans, ceux élus en 2008 iront jusqu’au terme des six ans habituels. Le mandat des conseillers régionaux, élus en mars 2010, est réduit de deux ans.
Loi du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Elle abroge la création du conseiller territorial avant son entrée en vigueur. Son article 47 allonge de un an les mandats des conseillers départementaux et régionaux mais maintient la concomitance du renouvellement des conseils départementaux et régionaux, repoussée à mars 2015.
Loi du 16 janvier 2015 relative à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral. Elle chamboule une nouvelle fois le calendrier électoral. Après avoir proposé d’abord le report des élections départementales et régionales en décembre 2015, le Gouvernement optera finalement à l’article 10, pour un report en décembre 2015 des élections régionales mais un maintien des élections départementales, en mars 2015.
« Inadapté à la mobilité des électeur ? » Cet argument est recevable mais le code électoral y apporte déjà des éléments de réponse.
Actuellement, en effet, certains électeurs peuvent être inscrits directement par le maire, au titre de l’article L30, en cas d’élection dans l’année, hors période de révision. Il s’agit :
- des fonctionnaires et agents des administrations publiques mutés ou admis à faire valoir leurs droits à la retraite ainsi que les membres de leur famille domiciliés avec eux.
- des militaires rendus à la vie civile ;
- des personnes qui établissent leur domicile dans une autre commune pour un motif professionnel autre que ceux précédemment évoqués, après la clôture des délais d'inscription, ainsi que les membres de leur famille;
-des Français et Françaises remplissant la condition d'âge exigée pour être électeur, après la clôture des délais d'inscription. L’inscription là est automatique ;
- des Français et Françaises qui ont acquis la nationalité française après la clôture des délais d'inscription ;
- des Français et les Françaises ayant recouvré l'exercice du droit de vote dont ils avaient été privés par l'effet d'une décision de justice.
Reste tous ceux qui ne changeant pas de commune pour un motif professionnel, ne peuvent être inscrits sur ses listes électorales que l’année suivant leur arrivée.
J’ai donc proposé à la commission des lois, qui a accepté ma proposition, d’y remédier, simplement en donnant la possibilité à toute personne établissant son domicile dans une nouvelle commune, l’année d’une élection, de pouvoir y participer.
Pour cela, il suffit de supprimer la clause du motif professionnel au 2 bis de l’article L30 du code électoral.
Cette solution qui permet à ceux qui veulent vraiment voter de le faire, a le mérite d’écarter tout soupçon d’électoralisme, parce qu’elle est générale au lieu d’exceptionnelle, le mérite de la simplicité et de se passer de décret en Conseil d’Etat.
C’est pour cela que je vous la propose.
Réponse aux objections (Extrait de la DG après l’échec de la CMP)
À la solution adoptée par le Sénat il est opposé un risque d’insincérité du scrutin résultant du fait que faute d’avoir pu être radié à temps des listes de leur ancienne commune de résidence, des électeurs pourraient voter deux fois.
Outre que le rapport Pochon-Warsmann, pourtant très complet ignore ce problème, la procédure d’inscription prévue à l’article L. 30 du code électoral existant depuis longtemps, il faudrait en conclure qu’elle a faussé les scrutins passés ? J’ai personnellement du mal à saisir en quoi un afflux d’inscription pourrait créer des difficultés insurmontables.
Afflux d’autant plus hypothétique que les dernières élections départementales ont montré que la moitié des inscrits ne s’étaient pas déplacés. Dans un tel contexte de désengagement généralisé de l’électorat, les nouveaux inscrits, nouveaux convertis de la religion civique, se mobiliseraient pour voter dans deux communes à la fois, la même journée ? On nous permettra de sourire.
Pourquoi un risque de double vote susceptible de fausser l’élection négligeable ?
Parce qu’il concerne uniquement les électeurs qui solliciteraient leur inscription dix jours avant le scrutin et dont l’information ne serait pas parvenue à temps au maire de leur ancienne commune de rattachement.
Et puis, comme le l’ai dit, on voit mal un électeur qui sollicite son changement d’inscription pour cause de déménagement aller voter, le même jour, dans sa commune d’accueil et dans celle qu’il a quittée.
D’autant plus que ce double vote l’exposerait aux sanctions prévues par l’article. L. 86 du code électoral réprimant les l’inscription d’un même électeur sur plusieurs listes électorales.
Il faudrait être animé d’une foi militante peu commune ou inconsciente pour risquer un an d’emprisonnement et 15 000 euros d’amende sans aucune chance de peser sur le résultat d’un scrutin à la dimension des nouvelles grandes régions.
Bien que convaincu de la justesse de notre choix de première lecture, dans un souci d’ouverture, la commission des lois vous propose, sans modifier le fond de sa position – suppression de la condition tenant au motif professionnel du déménagement pour bénéficier de la procédure d'inscription « hors procédure de révision » prévue à l’article L-30 du code électoral - de sécuriser le dispositif par deux dispositions allongeant :
- de dix à vingt jours avant le scrutin la date butoir de dépôt de la demande d'inscription (Article L 31) ;
- de cinq à dix jours avant le scrutin le délai dont dispose la commission administrative communale pour statuer en application de l'article L. 32 du code électoral ainsi que la date de publication du tableau rectificatif.
L’article L. 33 du code électoral prévoyant que le maire de la commune de la nouvelle inscription notifie à son homologue de la commune de radiation la décision de la commission administrative sous un délai de deux jours, le maire de la commune de la radiation devrait recevoir cette information environ une semaine avant le scrutin.
Voilà qui devrait rassurer entièrement ceux qui auraient encore quelques doutes sur la justesse du choix de première lecture du Sénat, choix que je vous propose de réitérer.
Le Gouvernement et l’AN ont maintenu leur position pour des motifs qu’on a un peu de mal à saisir.
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