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 Rapport

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, 
Sénateur du var.

Avis présenté  au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de finances pour 2016, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,

ADMINISTRATION GÉNÉRALE ET TERRITORIALE DE L’ÉTAT
Par M. Pierre-Yves COLLOMBAT, Sénateur du var.

Avis présenté au nom de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage
universel, du Règlement et d’administration générale (1) sur le projet de loi de
finances pour 2015, ADOPTÉ PAR L’ASSEMBLÉE NATIONALE,
TOME I

 Rapport de M. Pierre-Yves COLLOMBAT, portant réforme de la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité.


  

 RÉFLEXIONS

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NOTRe : INTERVENTIONS EN SEANCE.

(2ème lecture 26 mai -2 juin 2015 et CMP 16 juillet 2015)



On trouvera ci-dessous, rassemblées par thème mes principales interventions en séance ainsi que l’explication de vote finale sur le texte de seconde lecture, au nom du RDSE ainsi que mon explication de vote personnelle sur le texte final, issu de la CMP que je n’ai pas voté. Quelques échanges particulièrement utiles pour comprendre le mode de raisonnement du gouvernement ont été aussi retenus.

Par ailleurs, on trouvera une analyse du résultat final avec quelques conclusions hétérodoxes sur les leçons à tirer de ce soutien très large du Sénat à un texte calamiteux.     

deuxieme lecture.

Présupposés et faux semblants du discours gouvernemental.

Les masques sont tombés.

Dans chaque projet de loi que nous avons voté depuis 2010, il y avait à boire et à manger. Certains éléments nous rassuraient quant au devenir des communes : ainsi, nous avions pu voter les modalités proposées  pour l’élection des délégués communautaires. D’autres éléments, en revanche, témoignaient d’une visée de suppression des communes.

Or depuis que ce projet de loi nous est revenu de l’Assemblée nationale, les masques sont tombés ! Il n’y a plus d’ambiguïté : l’objectif est clairement de supprimer les communes, même si cela prendra du temps !

Je ne reviendrai pas sur ce qui a été dit quant au mode d’élection des délégués communautaires, au transfert de toujours plus de compétences, à la suppression de l’intérêt communautaire (…). À présent, l’intention est très claire.

Vous nous direz qu’on ne fait que poursuivre des transferts déjà engagés par les communes. Je n’ai en effet aucune objection au transfert de telle ou telle compétence, si tel est le choix des communes : pourquoi ne pourraient-elles pas le faire ?

D’ailleurs, les compétences en matière d’eau et d’assainissement sont exercées, en bien des endroits, par le biais de syndicats, lesquels sont, que je sache, des intercommunalités.

Vous, votre fantasme, c’est qu’il y ait une intercommunalité unique par bassin de vie : vous mettez tout dans la bassine, en vous moquant bien de savoir si la géographie corrobore ou non ce fantasme ! Là encore, vous faites disparaître l’intérêt communautaire, qui permet pourtant de moduler en fonction des besoins.

Vous nous dites qu’il nous restera la démocratie. Mais pour quoi faire ? Pour papoter ? Votre réponse passera à la postérité, monsieur le secrétaire d’État, je vous assure que nous allons lui faire de la publicité ! Que signifie la démocratie sans outils pour l’exercer, sans compétences, sans moyens ?

Le double langage

 Ce qui me fascine dans toutes nos discussions, ce sont les réponses duelles – je dis ça pour être gentil – du Gouvernement. Côté pile, c’est « regardez ma réforme, comme elle est belle : on rationalise, on sait qui fait quoi, on fait des économies… ». Côté face, c’est « ne vous inquiétez pas, ça ne changera rien : on va pouvoir déléguer, allotir, discuter, se concerter… ». Qu’est-ce que cela veut dire ? Soit on conserve le système, qui, malgré ses défauts, donne plutôt satisfaction, notamment dans le domaine assez particulier du transport scolaire, soit on change tout. Or si on change tout, il faut en tirer les conséquences !

Un scientisme sommaire

- permettez-moi de revenir sur deux de vos affirmations, monsieur le secrétaire d’État.

Tout d’abord, comme beaucoup de personnes très instruites, expertes, vous supposez qu’il existerait des bassins de vie aptes à remplir toutes les fonctions.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Oui !

Mais ce n’est pas vrai ! Comme si on mettait tout dans les bassins de vie, comme dans une bassine ! Non, regardez comment cela se passe, y compris chez vous ! Certains se rendent à Grenoble, d’autres à Voiron ou encore à Bourgoin-Jallieu selon les services publics dont ils ont besoin. Ce n’est donc pas en ces termes qu’il faut raisonner, surtout dans les territoires où la population est dense – c’est le cas de la région parisienne –, ou quand les distances à parcourir en fonction des besoins sont grandes.

Je conteste formellement votre raisonnement fondé sur les bassins de vie. Prenez toutes les études réalisées depuis des décennies, tout le monde est à la recherche du Saint Graal, le bassin de vie apte à répondre à toutes les questions.

Par ailleurs, selon vous, la seule façon de sauver les communes, c’est d’agrandir les intercommunalités. On pourrait vous croire, monsieur le secrétaire d’État, si le Gouvernement n’avançait pas masqué, s’il ne prévoyait pas, dans le même temps, un mode d’élection spécifique pour les intercommunalités, lequel, à terme, ôtera toute légitimité aux communes, s’il ne transférait pas de force, sans réellement le dire, des compétences aussi décisives que, par exemple, le plan local d’urbanisme, si, pour faire bonne mesure, il ne réduisait pas, en plus, les ressources des collectivités pour inciter les plus pauvres d’entre elles à se regrouper afin de réaliser des économies. Voilà le problème !

S’il s’agissait de constituer des intercommunalités suffisamment importantes pour que les communes puissent faire à plusieurs ce qu’elles ne peuvent pas faire seules, nous serions d’accord, bien sûr ! Mais le problème, monsieur le secrétaire d’État, c’est que vous souhaitez transférer aux intercommunalités de multiples compétences que les communes gèrent très bien seules, comme l’eau ou l’assainissement. De nombreuses communes de mon département ont réglé leurs problèmes dans ces domaines grâce à de petits syndicats.

L’attitude qui est systématiquement la vôtre nous fait douter de vos bonnes intentions. Vous souhaitez renforcer l’intercommunalité non pas pour permettre aux communes de faire à plusieurs ce qu’elles ne peuvent pas faire seules, mais pour que les intercommunalités puissent faire à leur place. Nous ne pouvons vous suivre sur ce terrain.

Confusion volontaire entre les compétences que les communes peuvent exercer seules et celles qui requiert la coopération intercommunales.

Monsieur le secrétaire d’État, vous êtes favorable au renforcement des compétences de toutes les intercommunalités. Cela devrait pourtant concerner non pas n’importe quelle compétence, mais seulement les compétences que les communes ne peuvent pas exercer seules !

La compétence « eau », par exemple, a été ajoutée par l’Assemblée nationale ; or il me semble que, dans nombre de situations, les communes peuvent l’exercer seules. Une fois de plus, vous maniez  le double langage et vous « plombez » ainsi la confiance que l’on pourrait vous accorder !

S’agissant de compétences qui ne peuvent pas, nettement, visiblement, être exercées par les communes seules, oui, il faut renforcer l’intercommunalité ! Dans le cas contraire, non.

Le destin « d’interface démocratique » des communes. 

A Valini : Aujourd’hui, 64 % des (communes) ont déjà délégué l’une des compétences relatives à l’assainissement : 57 % des communes ont délégué l’assainissement non collectif ; 31 %, l’assainissement collectif.

De la même façon, 93 % des communes ont délégué au moins une compétence relative aux déchets : 90 %des communes ont délégué la collecte des déchets ménagers et assimilés ; 88 %, le traitement des autres déchets.

 C’est vous dire que les communes transfèrent leurs compétences sans pour autant disparaître.

PYC : Quand les communes n'auront plus aucune compétence, elles disparaîtront !

A.Valini : En quoi le transfert de compétences menace-t-il les communes ? En rien, bien au contraire. En effet, plus les intercommunalités seront fortes et grandes, plus les communes auront à jouer leur rôle d’« interface » entre les citoyens et la structure intercommunale.

J.Mézard : Je dois poser une fois encore la question : si, comme vous nous le proposez, on transfère l’eau, l’assainissement, le tourisme et les aéroports de manière obligatoire aux intercommunalités, que restera-t-il aux communes ?

A. Valini. La démocratie !

JMézard : « il leur restera la démocratie, mais sans compétences ! On pourra beaucoup parler, on organisera bien des comités de quartier, mais les communes se trouveront dépourvues de compétences !

Tel est l’objectif réel des auteurs de ce projet de loi. Il est bien dit, dans les rapports que je citais hier soir, que le but est de parvenir à la clause générale de compétence pour les intercommunalités. Or il faut être clair : quel en serait l’aboutissement ? Ce serait la suppression des communes !

La gouvernance par le chiffre

Des objectifs quantitatifs n’ont pas de sens dans ce domaine non plus  [la réduction du nombre de syndicats] .

Prenons l’exemple de l’eau : dans mon intercommunalité, qui regroupe près de 100 000 habitants – je ne suis donc pas hostile à ce genre d’organisation quand elle a un sens –, on trouve plusieurs syndicats de distribution d’eau, parce que les modalités d’alimentation et les ressources sont différentes sur ce territoire. Si l’on unifie tous ces syndicats, on ne fera pas d’économies d’échelle, et les coûts augmenteront.

Il en va de même pour les ordures ménagères. Ma commune a transféré la compétence du ramassage des ordures ménagères à l’EPCI, mais la taxe d’enlèvement des ordures ménagères a augmenté de 50 % : elle a explosé ! La Cour des comptes a d’ailleurs découvert récemment que les intercommunalités n’étaient pas toujours source d’économies, et qu’elles suscitaient parfois des dépenses supplémentaires…

Que l’on ne me dise pas que le service rendu n’est pas le même : le nouveau prestataire s’est contenté d’installer trois conteneurs pour le tri sélectif ! La différence, c’est que notre commune travaillait en régie : quand les employés communaux avaient terminé leur service, ils exécutaient d’autres tâches ; aujourd’hui, ils rentrent chez eux ! Accessoirement, ce service a été confié à une entreprise privée, devenue célèbre depuis, dont les frais généraux sont sans comparaison avec ceux de notre commune.

Je conteste donc l’idée d’une unification systématique de ces syndicats. Dans certains cas, cette unification est fondée, dans d’autres, elle ne l’est pas. On ne peut juger qu’au cas par cas. Les préfets n’ont peut-être pas non plus fait tout ce qu’il fallait : soit ils étaient trop timorés, soit ils étaient trop prescriptifs. On en revient à ce que nous disions pour la région parisienne : s’ils avaient mis les pieds dans le plat, les choses se seraient mieux passées !

C’est ce côté systématique de la loi qui fait qu’elle créera plus de problèmes que l’on n’en résoudra.

Le triomphe de la Bureaucratie céleste

Pour moi, nous assistons au triomphe de la bureaucratie céleste, sauf qu’elle n’est plus céleste. Au moins, celle-ci avait derrière elle des siècles d’histoire, peuplés de sages et d’artistes.

En l'occurrence, on nous fait le coup du scientisme bureaucratique, qui masque mal, en fait, des questions de pouvoir. Ce système dans lequel les élus sont sur le devant de la scène, tandis que ceux qui gouvernent réellement sont derrière, s’appelait en Chine « le gouvernement derrière le paravent ». C’est justement ce que nous sommes en train de vivre, et l’on tente de nous faire croire que tout cela est scientifique !

Nous avons connu le « polycentrisme maillé », cher au regretté Jean-Louis Guigou, qui régnait à l’époque sur la DATAR. D’ailleurs, avec son épouse, ils ont fait une belle carrière. C’est devenu une manie de faire les carrières à deux. Il faut dire que c’est bien pratique… Maintenant, nous connaissons les bassins de vie, qui sont censés nous apporter non seulement le développement économique, mais aussi le rayonnement, et tout le reste !

Le cynisme.

-  « […] La gestion par SNCF Réseau, EPIC national, (nous dit l’amendement du Gouvernement), n’a pas souvent permis de trouver le modèle économique spécifique à ces lignes faiblement circulées […]. » – en clair, on perd des sous ! – « Un gestionnaire d’infrastructure de la taille de SNCF Réseau ne peut aisément appliquer des solutions optimisées au cas par cas, indispensables pour traquer chacune des économies potentielles, sans dégrader la sécurité ». Je croyais que plus c’était gros, mieux ça marchait !

En somme, on nous dit que la SNCF n’est pas capable de gérer ces lignes. Franchement, c’est se moquer du monde !

La compétence générale.

Des départements et des régions

J’ai bien conscience d’être solitaire, sinon glacé… Toutefois, avant d’être mis en minorité, je voudrais rappeler un certain nombre de réalités fondamentales.

Nous avons ce débat sur la clause de compétence générale depuis la loi de réforme des collectivités territoriales, dite « loi RCT ». À l’époque, la partie gauche de l’hémicycle voulait rétablir la compétence générale pour les départements et les régions, ce qui fut fait d'ailleurs dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, ou loi MAPTAM, battue en brèche par le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, dit « NOTRe », dont nous discutons aujourd’hui.

À l’époque, notre ancien collègue Edmond Hervé – ce n’est pas rien ! – expliquait que c’est « au nom des libertés locales que la commune, le département, la région définissent ce qu’est l’intérêt communal, l’intérêt départemental ou l’intérêt régional. Si, demain, une autorité transcendantale vient définir cet intérêt, la décentralisation n’existe plus. […] Je suis fondamentalement opposé à toute liste de compétences exclusives. Ce serait aller contre les principes constitutionnels de libre administration et de non-tutelle d’une collectivité sur une autre. » Je pourrais également vous citer des propos de Bruno Retailleau, qui ne disait pas autre chose.

Tout cela montre que la clause de compétence générale est consubstantielle à la notion de collectivité territoriale. Il s’agit de la capacité à défendre l’intérêt communal, départemental ou régional. Supprimer la compétence générale, revient, sur le fond, à s’opposer à l’esprit de la décentralisation ; c’est faire de la répartition des compétences un simple problème de division du travail au sein de l’appareil administratif. On veut nous faire croire qu’il s’agit de la même chose, mais c’est complètement différent !

Je remarque que les mêmes défendent, à quelques mois d’écart, des positions opposées. Pour ma part, j’ai au moins le mérite – ou le tort – de persévérer dans l’erreur – ou dans la vérité – que je défends.

Sur le plan technique, la disparition de la compétence générale laisse une béance, un vide, que l’on s’emploie à combler avec des schémas, des conventions, des délégations… Le fin du fin, que l’on retrouve à de nombreuses reprises dans le texte, c’est de dire que la compétence appartient à la région, mais que cette dernière peut la déléguer à d’autres... Je trouve cela quelque peu curieux.

Quand nous serons complètement ligotés, tel Gulliver chez les Lilliputiens, par tout un ensemble de schémas ou de contraintes, je prends le pari que l’on en viendra à regretter la compétence générale.

Des communes.

C’est vrai, madame la ministre, la commune bénéficie toujours de la clause de compétence générale. Mais pour combien de temps encore ? Quand on lit certains rapports, notamment celui que M. Jacques Mézard citait tout à l’heure, on se dit que le grand rêve, c’est de faire disparaître les communes dans des intercommunalités qui disposeront de la compétence générale ; aussi, on saucissonne, on adapte, car c’est difficile, cela ne passe pas facilement, comme vous pouvez d'ailleurs le constater. Une partie des gens au pouvoir, dans les majorités successives, est favorable à une telle solution.

L’argument avancé, c’est que, dans la mesure où on répartit les compétences, une telle évolution est nécessaire… On entend dire que tout le monde fait n’importe quoi. Or ce n’est pas vrai !

Tout est parti de la loi RCT, grâce à laquelle on prétendait faire des économies. Quand on a voulu connaître le montant de ces économies, un secrétaire d’État l’a chiffré à 20 milliards d’euros. Je lui ai demandé comment il obtenait un tel chiffre, mais je n’ai jamais reçu de réponse. En fait, ce n’est pas vrai ! C’est une marotte, un rêve qui deviendra un jour un cauchemar. Souffrez que je ne partage pas cette façon de voir.

L’argument selon lequel les communes qui délèguent une compétence à une intercommunalité perdent cette compétence relève d’un problème tout à fait différent. Si l’intercommunalité est une coopérative de communes, un outil pour faire à plusieurs ce qu’on ne peut pas faire tout seul, elles perdent la compétence quand elles la transfèrent. Cela n’a strictement rien à voir avec ce qu’on appelle la clause de compétence générale, qui est d’ailleurs quelque chose d’assez résiduel. En réalité, on s’aperçoit que la plupart des compétences importantes ont déjà été distribuées. Par exemple, personne n’a envie de prendre en charge les compétences sociales des départements !

Très franchement (…).je ne comprends pas pourquoi certains veulent revenir sur un système qui fonctionne très bien et qui ne pose aucun problème…Normalement, une réforme, ce n’est pas fait pour qu’un système fonctionne plus mal ! Enfin, normalement…

Les difficultés engendrées par la suppression de la compétence générale.

J’entends relever l’une des multiples contradictions de ce texte. D’un côté, la région a la responsabilité d’un schéma de développement économique, et, de l’autre, des partenaires « peuvent » participer au financement de projets, sans pour autant avoir voix au chapitre.

Outre qu’il me semble bien angélique d’attendre une participation des autres collectivités territoriales, alors qu’elles n’auront aucun pouvoir de décision ou d’influence, on aimerait comprendre pourquoi, si la région dispose de la compétence exclusive sur le développement économique, elle n’en supporterait pas toute la charge.

J’attire en outre votre attention sur une autre contradiction : l’élévation des métropoles au rang de locomotives du pays introduit une sorte de dyarchie dans l’exercice de ce pouvoir économique… Il y a là une contradiction de fond, qui remonte notamment à l’invention des métropoles – non parce qu’il s’agit d’intercommunalités particulièrement intégrées, mais parce qu’elles héritent de compétences régionales et départementales –, et qui a été aggravée par la suppression de la clause de compétence générale.

Que faire face à une telle situation ? La mort dans l’âme, je pense que la moins mauvaise solution qui s’offre à nous, celle qui évitera aux collectivités d’être totalement – au moins sur le plan juridique – sous la coupe des régions, est celle que propose la commission. Un effort important a été fait pour tenter de rendre viable un dispositif qui ne l’est pas ; nous commençons à en avoir l’habitude.

Schémas régionaux et territoires ruraux

Qui représentera les territoires ruraux ?

 Parmi les orientations stratégiques que fixe le schéma, figurent, entre autres, le désenclavement et l’amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux. Or on ne sait pas trop quels territoires ruraux participeront au collège électoral.

Je formule ici une proposition. Je ne me battrai pas pour l’imposer, car il est plus difficile de repérer les représentants légitimes des territoires ruraux que ceux des grosses intercommunalités. Je propose que soient associés à l’élaboration du projet de schéma « les membres élus au titre du premier collège électoral au sein de la commission départementale de coopération intercommunale », la CDCI.

Ce premier collège des CDCI, je vous le rappelle, est composé des représentants de communes ayant une population inférieure à la moyenne départementale, ce qui va assez loin. Pour ce qui me concerne, je n’ai pas trouvé mieux – si certains d’entre vous, mes chers collègues, ont des propositions plus satisfaisantes, je suis intéressé !

Quoi qu’il en soit, le schéma ne peut pas aborder la question du développement et de l’amélioration du service public en milieu rural, ainsi que celle du désenclavement, sans que soient consultés des représentants de ces territoires.

 Je ne peux pas ne pas constater la différence entre le traitement réservé aux grandes collectivités, aux grands EPCI, et celui qui est réservé aux petites collectivités, aux petites communes.

Je le sais bien, ces territoires sont si petits, si nombreux, si pauvres que ce n’est pas la peine qu’on s’en occupe ! Voilà qui est assez classique. Toutefois, ce n’est pas moi qui ai écrit dans le texte que le schéma fixe les orientations en matière « d’amélioration de l’offre de services dans les territoires ruraux ».

En outre, j’avais cru comprendre que le problème des services relevait plutôt du chapitre consacré aux communes, en liaison formelle ou de fait de toute façon avec les conseils généraux. Donc, qu’est-ce que cela vient faire là-dedans ? Mais puisque cette disposition est placée là, il est pour le moins logique que les petites communes aient la possibilité de dire ce qu’elles en pensent.

Cette assemblée, qui sera élue à la proportionnelle sur l’ensemble du territoire, n’aura qu’un lien fluctuant et éphémère avec les territoires et leurs préoccupations. Comme le nombre d’habitants est peu élevé, il n’y aurait pas besoin de beaucoup de représentants… C'est cette assemblée qui décidera de l’évolution et du développement des services publics en milieu rural. Avouez que c'est tout de même un peu fort de café ! Et ce n’est pas parce qu’on en a l’habitude qu’on s’y fait !

Gérer à distance.

On peut discuter à l’infini de l’échelon adéquat de collectivité pour le transport intercités – peut-être est-ce la région, je n’en sais rien et je ne jouerai pas ma tête là-dessus. En revanche, en matière de transport scolaire et de transport à la demande, l’échelon local ou départemental est le mieux adapté.

Vous ne vous rendez pas compte, madame la ministre, de la situation à laquelle cela va conduire à la rentrée. J’imagine déjà les services de la commune de Giou-de-Mamou, dans le Cantal, téléphoner au conseil régional à Lyon pour demander : « Que fait-on de nos mômes sur le bord de la route ? » 

La question du seuil démographique minimum des intercommunalités 

Revenir sur la situation actuelle et imposer un seuil – qu’il soit de 20 000, 15 000, 13 000 ou 12 500 habitants – n’a rigoureusement aucun sens ! Cela fait en tout cas partie des dispositions que les communes rurales n’accepteront pas. Pas plus qu’elles n’accepteront l’élection à un suffrage particulier des délégués intercommunaux, le transfert quasi automatique de compétences aussi importantes que celle qui concerne le plan local d’urbanisme !

Qu’y gagnera-t-on, à part pouvoir afficher que nous sommes de grands réformateurs ? Croyez-vous que l’on va ainsi améliorer le service public local ? Croyez-vous que, en regroupant 20 000, 13 500 ou 12 000 pauvres, on en fera des riches ? Le service public, c’est autre chose ! Cela n’a strictement rien à voir ! On va faire des économies ? Mais regardez les statistiques ! Quand vous rapportez les dépenses de fonctionnement des collectivités à la population, les chiffres sont éloquents : plus la commune est petite, moins elle dépense par habitant !

Et cela vaut pour les intercommunalités ! La raison est toute simple : plus les structures sont petites, plus on mobilise les bénévoles. C’est très facile à comprendre ! Certes, à un certain niveau, on ne voit pas les bénévoles parce qu’ils ne sont pas comptabilisés dans le PIB.

Laissons le processus se poursuivre ! Une nouvelle étape va être franchie avec la rationalisation des syndicats, entreprise dont on ne mesure pas l’ampleur… De nombreuses surprises, de nombreuses difficultés nous attendent ! Croyez-moi, c’est largement suffisant pour occuper la seconde étape du développement de l’intercommunalité, en tout cas celle de sa rationalisation !

Franchement, le jeu n’en vaut pas la chandelle, quelles que soient les solutions intermédiaires qui pourront nous être proposées ! 

Les écueils de la réduction du nombre de syndicats.

« Lorsque l’on fixe un objectif quantitatif de suppression des syndicats, deux écueils doivent être évités.

D’une part, à force de supprimer les syndicats, toutes les compétences des communes qui leur avaient été déléguées seront transférées à l’intercommunalité « englobante » : de proche en proche, les communes vont se trouver dépossédées de l’essentiel de leurs compétences.

D’autre part, et inversement, si l’EPCI ne veut pas prendre la compétence d’un syndicat, celle-ci va revenir aux communes qui avaient précisément créé un syndicat pour qu’elle soit mieux exercée !

Je ne suis pas sûr que ces difficultés aient été bien appréhendées. Nous avons réussi à passer à peu près correctement le premier obstacle de la réforme, en créant des intercommunalités regroupant en gros 5 000 habitants. Nous en arrivons à une deuxième étape, la rationalisation des syndicats intercommunaux, à laquelle nous sommes favorables, mais c’est un travail considérable et les décisions à prendre ne seront pas simples.

Une nouvelle compétence facultative pour les intercommunalités.

Voici la preuve que je ne suis pas opposé par dogmatisme aux transferts de compétences : le présent amendement vise à permettre à l’intercommunalité de participer à la création ou à l’aménagement de bâtiments et d’équipements d’intérêt communautaire, par exemple une gendarmerie, puisque l’État ne loge plus ses gendarmes et attend que d’autres s’en chargent…

Instaurer cette compétence optionnelle me paraît correspondre à l’esprit de l’intercommunalité telle que nous l’entendons : il s’agit de faire à plusieurs ce que l’on ne peut pas faire seul.

Explication de vote final

Balayant les dispositions de la loi MAPTAM votée voilà quelques mois, le projet de loi NOTRe, à défaut de pouvoir immédiatement supprimer les départements, est la première étape de leur disparition.

Étrangement, à l’issue de la première lecture du texte par les deux assemblées, ce n’est pas sur ce point que les positions du Sénat et de l’Assemblée nationale étaient les plus éloignées.

L’Assemblée nationale n’est pas revenue, par exemple, sur le maintien au département des compétences en matière de collèges et de routes voté par le Sénat. En revanche, elle a non seulement repris son offensive anti-Sénat en rétablissant le Haut Conseil des territoires, que le Gouvernement semblait pourtant avoir enterré, mais elle en a en plus lancé une nouvelle contre les communes, à notre plus grande surprise. Or une offensive sur des sujets aussi sensibles ne peut pas avoir été lancée « à l’insu du plein gré » des plus hauts sommets de l’État.

Aujourd’hui, le masque est tombé : les yeux grands fermés sur la réalité géographique, historique et politique de notre pays, le Président de la République et son gouvernement sont bien décidés, sinon à supprimer les communes – elles survivront en tant que quartiers sans pouvoirs ni moyens de l’intercommunalité qui les aura absorbées –, du moins à les lyophiliser.

Le Gouvernement peut bien crier au procès d’intention, jurer qu’il aime toutes les communes et leurs élus si dévoués (Sourires sur les travées du RDSE.), les faits sont là !

Relance de la suppression des syndicats et syndicats mixtes ; nouvelle révision des schémas départementaux de la coopération intercommunale et instauration de règles plus contraignantes ; fixation de la taille minimale des intercommunalités à 20 000 habitants, sauf aménagements réglementés ; transferts obligatoires d’un plus grand nombre de compétences essentielles aux intercommunalités ; suppression des garanties en matière de PLUi, ou plans locaux d’urbanisme intercommunal, issues de la loi ALUR ; réduction du champ d’application de l’ « intérêt communautaire » et définition de celui-ci à la majorité simple, et non plus qualifiée ; suppression de la minorité de blocage reconnue aux communes membres d’un EPCI faisant l’objet d’un projet de fusion ; possibilité pour un EPCI de décider à la majorité qualifiée de l’unification des impôts locaux ; extension de la règle de la représentation démographique des communes dans les intercommunalités aux syndicats ; enfin – c’est le bouquet final ! –, désignation des représentants des communes à l’intercommunalité lors d’un scrutin distinct de l’élection municipale, ce qui conduira à faire des intercommunalités autre chose qu’un outil au service des communes.

La prochaine étape est déjà programmée : mutualisation obligatoire des impôts locaux, DGF intercommunale, attribution de la clause de compétence générale aux communautés, transfert obligatoire des compétences résiduelles pouvant faire l’objet d’une délégation de service public.

Le Sénat, sur proposition de sa commission des lois et de ses rapporteurs, dont je salue la lucidité, le courage et l’opiniâtreté, a pour l’instant sauvé l’essentiel. C’est pour cela que la très grande majorité du groupe RDSE votera ce texte. Personnellement, même si je n’ai toujours pas fait mon deuil de la compétence générale des départements et des régions, même si je n’accepte toujours pas la mise sous tutelle des élus locaux par la Cour des comptes, je le voterai également.

Le Sénat, disais-je, a sauvé l’essentiel, mais pour combien de temps ?

 Le Gouvernement, qui souhaite ignorer le degré de dévaluation de la parole publique et qui est si sûr des bienfaits de sa réforme territoriale qu’il en assure la promotion de Bruxelles à la City, pense qu’il suffit de nier l’évidence pour l’imposer au Français.

Au cours des débats, alors que j’interrogeais M. le secrétaire d’État sur les compétences qui resteraient aux communes après l’adoption par l’Assemblée nationale des dispositions anti-communes que j’évoquais à l’instant, M. Vallini a répondu : « Il leur reste la démocratie. »  Mes chers collègues, cela ne s’invente pas !

Monsieur le secrétaire d’État, une démocratie sans pouvoirs et sans moyens, comme l’a rappelé notre collègue, une démocratie décorative en carton-pâte, une démocratie Potemkine n’est qu’un fantôme de démocratie, une démocratie d’avant la Révolution !

 Analysant comment l’Ancien Régime avait ôté à la population des villes le pouvoir de gérer ses affaires, Tocqueville fait cette observation : « Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on ne l’imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux affaires de la commune et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. [...] Les plus grands intérêts de la ville semblent ne pas le toucher. On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. » Les récentes élections locales le confirment : les mêmes causes produisent aujourd'hui les mêmes effets.

Lors du premier tour des élections municipales de mars 2014, le taux de participation moyen sur l’ensemble de la France était de 63 %. Ce taux masque toutefois des différences considérables selon la taille des communes : on constate ainsi 26,6 points de différence entre le taux de participation des communes de moins de 500 habitants, où il est de 78,6 %, et celui des communes de plus de 90 000 habitants, où il est de 52 % seulement. Globalement, le taux de participation des grosses communes est de plus en plus faible, jusqu’aux communes de 35 000 habitants, pour osciller autour de 53 %, soit 25 points de moins que dans les communes rurales.

C’est bien la preuve scientifique que le regroupement forcé des communes dans des intercommunalités de plus en plus grandes destinées à aspirer leur substance marque un progrès démocratique ! 

Les résultats des dernières élections cantonales témoignent eux aussi de l’enthousiasme des Français pour la lyophilisation de leurs institutions de proximité. Au premier tour, alors que le taux d’abstention était de 49,8 % et que l’on a comptabilisé 2,45 % de bulletins blancs et nuls, les exprimés n’ont représenté que 47,9 % des inscrits. Cela signifie que moins d’un électeur sur deux s’est reconnu dans cette consultation.

Par charité, et par manque de temps, je passerai sur ce que ces élections disent du rapport de force politique entre la gauche, la droite et, désormais, l’extrême droite. Je passerai également sur les pertes plus que significatives du parti qui était majoritaire localement jusque-là. Visiblement, mes chers collègues, le bon peuple n’accepte pas les modernisations pour lesquelles on ne lui demande pas son consentement.

Sachez qu’il en va de même des élus ruraux ! 

cmp

Le 16 juillet 2015,  le Sénat puis l’Assemblée nationale, ont validé massivement  l’accord plutôt inattendu sur la loi NOTRe obtenu en CMP une semaine plus tôt. Etait ainsi censé se conclure  le marathon ouvert par une « réforme » massivement rejetée par les élus ruraux)

Explication de vote

Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, aller moins loin dans la mauvaise direction, est-ce aller dans le bon sens ?  Évidemment non ! Autrement dit, que la version de la loi NOTRe issue de la commission mixte paritaire ait été purgée des provocations de l’Assemblée nationale n’en fait pas un texte acceptable.

Redistribuer les compétences entre départements et régions, communes et intercommunalités, ce n’est pas décentraliser. Même les modestes propositions du Sénat en matière d’emploi et d’enseignement supérieur ont reçu, vous le savez, une fin de non-recevoir. C’est parfaitement significatif !

Remplacer la compétence générale des régions et des départements par un Gosplan régional prescriptif assorti d’une cascade de conventions et de délégations n’est ni une clarification ni une simplification.

Ainsi, en matière économique, rien n’est réglé entre régions et métropoles. En matière de transports scolaires, la question est seulement résolue sur le papier. Dans bien des cas, la région sera contrainte de déléguer le service à des départements, alors qu’elle s’est vu retirer la compétence.

Quant à l’équipement des territoires en haut débit, le sfumato domine toujours. Et c’est cette usine bureaucratique qui, sans un sou de plus, est censée doper la compétitivité du pays et faire faire des économies à la nation !

Oublier de régler la question de l’équilibre financier des budgets sociaux explosifs, c’est interdire aux départements l’exercice effectif de la solidarité territoriale et humaine dont ils sont en principe toujours chargés.

Transformer les communes en zombies, en « interfaces », pour reprendre le langage d’André Vallini, dotées d’une compétence générale dont la substance aura été aspirée par l’intercommunalité, voilà le but ! Le Gouvernement a reculé sur le PLUI obligatoire et la désignation des conseillers communautaires par un scrutin spécifique, mais nous savons que ce n’est que partie remise.

La vassalisation des petites communes, au nom de l’équité démographique – oubliée, d’ailleurs, quand il s’agit de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, ou du Fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, le FPIC – et leurs regroupements forcés dans des intercommunalités de plus en plus grandes sont en marche : 5 000 habitants le 14 janvier 2014, 15 000 habitants le 9 juillet 2015, combien seront-ils quand sonnera l’heure de transformer les intercommunalités en collectivités territoriales et de supprimer les départements ?

S’agissant du Grand Paris, vous le savez aussi bien que moi, c’est peut-être l’endroit où il fallait que l’intercommunalité se développe, et c’est là où on la ralentit. Mais je suppose qu’il doit y avoir à cela quelques raisons peu avouables…

 Voter ce texte pour des motifs respectables, c’est justifier l’euthanasie des communes et la désorganisation territoriale en lui conférant le label « Sénat ».

 Vous le savez, le combat que nous avons mené méritait mieux. Dire non à l’inacceptable, ce n’est pas se donner le beau rôle ; à l’inverse, c’est prendre ses responsabilités. C’est ce que fait le groupe RDSE ! 


PJL NOTRe 2èmr lecture et CMP | Page 1 sur 6 | PPL accord local de représentation des communes au

  
 La lettre du Sénateur

La lettre du Sénateur N° 45 Octobre Novembre Décembre 2015 

LA CRISE GRECQUE ET LE THEÂTRE PARLEMENTAIRE

POURQUOI L’ACCORD DE BRUXELLES EST UNE TROMPERIE

RETOUR SUR LA LOI MACRON (7/17 avril, 4/12 mai 2015)

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